cuir, ganterie Morand, Saint-Junien, Haute-VienneLors de l’étavillonnage, le coupeur, en l’occurrence Thierry, coupeur-gantier depuis 32 ans, passe vivement la peau sur un coin de table en tirant sur les deux extrémités pour l’allonger. « Cette opération ne peut être faite que par la main d’un humain. Une machine ferait une traction trop mécanique et régulière », explique Frédéric Morand de la ganterie de Saint-Junien.MP

On y fabrique le nec plus ultra des gants tactiles, compatibles écrans et objets connectés. Pour qui ? Les forces armées, les soldats de l’OTAN et bientôt les pros de l’équitation. C’est à Saint-Junien, en plein Limousin. Preuve que la data se nourrit de l’artisanat !

Imaginez un cavalier, en plein entraînement et dégainant son smartphone pour évaluer la vitesse de sa monture, la symétrie d’un saut ou la fréquence cardiaque de son cheval. Le tout en restant… ganté. C’est bientôt chose faite. Depuis plus d’un an, à la ganterie Morand de Saint-Junien, on y travaille. « Mon objectif est de réaliser un gant d’équitation, résistant aux éléments météorologiques, agréable à porter l’été ou restituant la chaleur en hiver, antibactérien pour limiter la sueur, très ajusté et… enfin tactile », énumère ainsi Muriel, designer au sein de la ganterie limousine Georges Morand.

Maîtrisant depuis des décennies les subtilités de la création de gants citadins de luxe, cette société familiale, implantée depuis 1946 à Saint-Junien, fait sa percée dans l’équitation 2.0. Rachetée en 2017 par le groupe LIM (notamment sellerie CWD de Nontron), elle s’emploie à ganter de futurs cavaliers disposant depuis peu de sangles et selles connectées, conçue pour récupérer des données locomotrices et cardiaques du cheval.

Il faut dire que sur la confection de gants « tactiles » (compatibles écrans), la ganterie Morand, en connaît un rayon. Tout en gardant sa patte « haute couture », dès les années 50, elle séduit l’Armée avec de premiers gants dits « techniques », relevant la double contrainte de protéger les doigts du froid, des coupures, du feu, des piqûres… tout en laissant à la main une grande liberté de mouvement.

Dans les années 90, la ganterie limousine sera de même précurseur pour équiper, en pionniers, les pilotes de chasse de l’Armée de l’air des premiers gants tactiles, capables de laisser passer la conductivité électrostatique naturelle du doigt pour activer les écrans.

Je veux du cuir… et rester connecté

« La base de nos gants, depuis toujours, c’est le cuir, majoritairement des peaux de chevreaux. Or, c’est une matière qui justement permet cette conductivité et un ajustement au plus près des doigts, sans créer ni poche ni bourrelet, pour ne pas perdre cette conductivité. Il a en outre de nombreuses autres qualités : anti-coupure, anti-abrasion…etc. », explique Frédéric Morand, petit-fils du fondateur de la ganterie Georges Morand et aujourd’hui directeur commercial.

Et sur le travail du cuir, là, à Saint-Junien, ville traditionnelle de la ganterie depuis le XIe siècle, autant dire qu’on s’y connaît. Même si une machine de découpe numérique a pris place dans les ateliers en 2002, ce sont bien les méthodes ancestrales de travail du cuir, avec près de 1h30 de travail sur chaque gant, qui leur permettent de confectionner des gants si perfectionnés. Le triage des peaux, l’étavillonnage, la découpe, les coutures d’assemblage (cf. galerie photos) …, sont autant d’étapes toujours réalisées « à l’ancienne », par et sous l’œil de l’humain.

« Le cuir est un matériau souple qui n’est pas compatible avec une mécanisation à outrance. La confection de ces gants tactiles demande dans le choix, le travail et la couture des peaux, une ultra-précision », précise Frédéric Morand. « Quand les pilotes de chasse utilisent un écran, un bouton… Imaginez si une fois ça marche, une autre non. La conductivité entre le doigt et l’écran doit être totale ».

 

 

Marianne Peyri

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