Des cadavres de dauphins viennent s’échouer en masse sur la côte atlantique. Est-ce une situation normale en cette période hivernale, pendant laquelle ces animaux marins peuvent être affaiblis ? Pas vraiment… La pêche industrielle est pointée du doigt

L’année 2019 est une année noire pour le dauphin commun  qui représente 95% des petits cétacés retrouvés échoués sur les côtes du littoral Atlantique depuis janvier. Au 13 mars, pas moins de 1 000 animaux ont été recensés et examinés par les membres du Réseau National Echouage (RNE) qui dépend de l’Observatoire Pélagis (Université de La Rochelle-CNRS). « Et ce n’est là qu’une petite partie des animaux morts en mer », soupire Hélène Peltier, ingénieure de recherche à l’Observatoire Pélagis (UMS 3462). Un triste record qui ne doit rien aux tempêtes hivernales ou à la « sélection naturelle ».

Tous les dauphins échoués ont été examinés par un membre du Réseau National d’Echouage (RNE).
PHOTO : PELAGIS

1- Les tempêtes sont-elles responsables de la mort des dauphins ?

Ceux qui croient (encore) que les échouages massifs enregistrés ces dernières semaines sont liés aux tempêtes hivernales ont tout faux « Même en prenant en compte le facteur météorologique, on devrait comptabiliser seulement deux fois plus d’échouages en cette période. Or, entre janvier et mars, on a eu 20 fois plus d’échouages que pour tout le reste de l’année ! » assène Hélène Peltier.

Et cette période est aussi celle où la pêche au merlu reprend dans le Golfe de Gascogne. Les autopsies pratiquées sur les cadavres de dauphins ne laissent planer aucun doute sur la cause de leur décès : « Dans 90 % des cas, la mort résulte de leur capture accidentelle par des engins de pêche utilisés par des pêcheries françaises ou étrangères. Les tempêtes ne font que ramener leurs corps à la côte. Elles rendent seulement plus visibles ce phénomène. »

Les chaluts pélagiques, mais aussi d’autres pêcheries, sont impliquées dans les captures accidentelles de dauphins communs. PHOTO PELAGIS

2- Leur mort est-elle le résultat de la « sélection naturelle » ?

Une autre idée reçue consiste à croire que les dauphins morts étaient aussi les plus jeunes ou les plus faibles de leurs groupes. C’est faux…

Contrairement aux phoques gris juvéniles qui arrivent sur nos plages, vivants mais faibles, les dauphins poussés à la côte étaient tous très en forme… avant d’être tués accidentellement. « Les dauphins autopsiés sont plutôt des animaux de grande taille, adultes et matures au plan sexuel. On a même trouvé des femelles gestantes », déplore Hélène Peltier.

Autant d’individus qui ne participeront malheureusement pas au renouvellement de l’espèce… par ailleurs protégée à l’échelle nationale et européenne.

Dauphins communs photographiés dans le golfe de Gascogne. PHOTO J.-J. Boubert / PELAGIS

3- Ces échouages en masse indiquent-ils qu’il y a plus de dauphins ?

Ceux qui pensent que le nombre massif d’échouages serait à mettre en lien avec une augmentation de la population des dauphins communs se leurrent tout autant. « Voir plus de dauphins communs dans le Golfe de Gascogne ne signifie pas que la population sédentaire augmente. Il peut y avoir des déplacements de dauphins qui suivent les bancs de merlu (et se retrouvent sur les mêmes zones que les pêcheurs qui ciblent ce poisson). »

La population est considérée comme stable, mais une telle hémorragie n’est pas tenable. « S’il y a déclin ou effondrement, il sera très difficile de restaurer la population des dauphins communs, c’est la raison pour laquelle nous tirons la sonnette d’alarme !! »
Il est urgent d’agir au niveau des pêcheries pour stopper le carnage.

Alexandrine Civard-Racinais


  • Pour signaler l’échouage ou l’observation d’un mammifère marin, contactez l’Observatoire PELAGIS au 05 46 44 99 10.

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