L'informatisation du métier à tisser permet d'aller plus vite et de diminuer les coûts. Mais Néolice est la seule entreprise à l'avoir mise en oeuvre

Le concept « tradition et modernité », c’est tellement 80’s que cela revient à la mode… Un pari relevé par Néolice en remplaçant le carton de la tapisserie par des pixels. Impensable au pays de la tapisserie d’Aubusson qui tire son prestige de ses méthodes artisanales ?

Remplacer le carton de tapisserie par une image virtuelle, cela a fait du bruit dans le petit monde local de la tapisserie lorsque Néolice est arrivé sur le marché en 2004 à Felletin dans la Creuse : « On était très mal vu. La tradition ici, c’est une chasse gardée », explique le directeur François Samouiller. Celui qui vient du monde du tissage à Lyon n’oublie pas qu’il n’est pas toujours simple de bousculer les habitudes.

Pour comprendre la révolution apportée par Néolice, un petit cours de tapisserie s’impose : le tapissier travaille habituellement avec un « carton ». Une image inversée du résultat final qui contient toute les indications nécessaires (couleur, type de fil…). Il le place sous le métier à tisser et commence son travail en suivant les formes et couleurs qu’il voit sous les fils. Depuis l’invention du métier à tisser, on fonctionne comme ça.

Avec Néolice, le carton est remplacé par une image pixelisée. A chaque pixel correspond un point, c’est à dire une intersection entre un « fil de chaîne » et un « fil de trame » (un fil de longueur et un fil de largeur en français standard). Le logiciel, intégré au métier à tisser, suit les indications. Avec 6 pixels au centimètre carré, on obtient une définition suffisante pour un rendu identique à la tapisserie classique. Mais surtout, « là où il faut huit mois pour réaliser une tapisserie traditionnelle, il nous faut huit heures. » D’où des coûts qui sont divisés par dix dans cet artisanat de luxe.

L’aide aux jeunes créateurs

Ce qui permet à Néolice, non pas d’inonder un marché qui commence à peine à ré-émerger sous l’influence de certains designers, mais plutôt de se spécialiser dans le dada de ses propriétaires : l’aide au jeunes créateurs d’art contemporain.

Les coûts des tapisseries traditionnelles les rendent inaccessibles aux nouveaux arrivants dans l’art contemporain et ce sont eux qui bénéficient en premier lieu de l’innovation informatique. D’autant que la machine jacquard modifiée pour la tapisserie (et non le tissage dont elle est issue) permet d’intégrer « de la fibre optique, du cuir, du crin de cheval. On fait une véritable recherche sur des formes différentes. »

Stéphane Blanquet (en fauteuil roulant) fait partie des artistes qui ont eu accès à la tapisserie grâce à la diminution des coûts permise par l’informatisation.

Une tapisserie limitée en taille

Les seules limites, c’est la largeur de la machine (1,8 mètre) et les seize couleurs auxquelles elle est limitée. Même si on peut les mélanger, cela réduit les possibilités. L’autre inconvénient, c’est le manque de souplesse dans l’utilisation du fil. Si on n’a besoin que d’une tâche de couleur d’un centimètre, on est obligé de laisser le fil sur tout la largeur pour tisser, d’où une plus grosse épaisseur des tapisseries obtenues avec cette technique.

Dans ce monde ultra-traditionnel, Néolice demeure toujours un acteur à part : 15 ans après sa création, elle est toujours la seule entreprise tapissière creusoise à utiliser l’informatique dans son travail. Dans le monde d’Aubusson, il y a toujours quelqu’un au bout du fil.

Jean-Luc Eluard

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