Vous n’aimez pas les maths, vous trouvez cela trop abstrait pour être compréhensible ? Hum… Hervé Hocquard, maître de conférences au LaBRI (CNRS/Université de Bordeaux) nous explique comment contourner cette difficulté

« De mon point de vue, les maths ne sont pas ennuyeuses car… j’adore l’abstraction. Mais du point de vue des élèves, c’est délicat en fait d’y voir quelque chose de vraiment concret avec une application. En fait, tout dépend de l’enseignement donné. Si on propose quelque chose de très théorique, sans parler d’application, cela peut vite devenir rébarbatif pour un public qui n’est pas forcément préparé à cela.

C’est que je m’efforce à faire, comme la plupart de mes collègues. Je fais tout un travail d’élagage ou même d’histoire des maths. J’explique comment telle ou telle notion a été introduite, pourquoi on étudie cette notion-là. Et, grosso modo, comment cela va nous servir très concrètement pour le programme actuel.

Certes, je ne dis pas que toutes les notions qui vont être abordées en maths ont une application directe mais dès qu’on peut faire le lien, il ne faut surtout pas se priver. C’est primordial pour accrocher un public qui est un peu… hésitant.

On peut présenter la plupart des notions simplement et facilement. Après, il est évident que si l’on parle de la théorie des nombres et des extensions galoisiennes,… ce n’est pas possible.  Sinon, on essaye toujours de se mettre à la place des étudiants qui s’en moquent totalement et donc on tente de leur donner, dans la mesure du possible, des exemples.

Quand je donne des cours dans une filière économique, les notions que j’aborde seront utiles pour eux dans leurs études. Je me raccroche alors à des notions économiques qui sont prévues au programme : cela permet de mobiliser et de comprendre certains phénomènes économiques et de pouvoir les interpréter ou les prévoir (capital, bénéfice, maximiser la marge, etc). Dans un cours de maths avec des matheux, j’utiliserais des termes ou des contextes très différents. Là, le papier cadeau n’existera pas…

Bref, faire des maths pour les maths pour des personnes qui n’ont pas la faculté d’abstraction, c’est compliqué. En revanche, faire des maths pour aider ou faire le lien avec d’autres matières c’est très intéressant et ce pour tout le monde.
Finalement, cela est l’essence même de toutes les matières qui sont enseignées. En amenant de la transversalité, cela est plus compréhensible.

Quand j’interviens dans l’association Maths à modeler, paradoxalement, ce ne sont pas les meilleurs élèves en cours qui s’en sortent forcément le mieux. On arrive en disant qu’on va tout déconstruire et tout casser. Ils n’ont plus de repères mathématiques. En classe, il faut faire appel aux connaissances acquises récemment pendant les cours : si on est en train de voir les fractions, j’utilise des fractions…

Avec Maths à modeler, on leur propose des jeux, sans savoir ce qu’ils sont en train d’apprendre en cours. Ils n’ont donc plus de repères mathématiques et ne savent plus à quelle notion du programme se raccrocher. C’est là que des élèves dits « en difficultés » s’en sortent mieux que les cadors de la classe qui, eux, sont perdus.

Ils ont même des idées que nous n’avions pas imaginé. Car en tant que mathématiciens, on part avec nos propres mécanismes de résolution. Or ce n’est pas forcément la meilleure solution ou bien, il existe d’autres chemins pour y arriver. »

 

https://www.labri.fr/

Propos recueillis par Alexandre Marsat

 

A l’occasion des 80 ans du CNRS, nous avons rencontré
Hervé Hocquard qui nous parle de mathématiques.

 

Photo by Roman Mager on Unsplash

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