Les alternatives aux engrais chimiques existent. Nous disposons même d’une ressource abondante, peu exploitée et aux nombreuses vertus nutritives : l’urine humaine. Grâce à un nouveau process de fermentation et de croissance bactérienne, la girondine Toopi Organics se lance

 

On y trouve le fameux triptyque dit NPK, essentiel pour la fertilisation des sols et des cultures, soit un bon mélange d’azote, de phosphore et de potassium… Les vertus nutritives de l’urine humaine sont bien connues et ce, depuis la nuit des temps.

« Pendant 3000 ans, en Chine, elle a été valorisée comme engrais. En France, il y a encore 150 ans, en région parisienne, des collectes d’urines étaient apportées aux maraichers en échange de nourritures », raconte Michael Roes, fondateur en 2016 d’une entreprise d’engrais biologiques et patron de la start-up Toopi Organics, basée à Langon. Le tout sans dangers pour les cultures et les consommateurs. « Quand on stocke l’urine pendant deux semaines, l’urée présente dans l’urine est dégradée en ammoniac, ce qui augmente le PH, le Potentiel hydrogène, et les pathogènes ne survivent pas ».

L’arrivée des premiers engrais chimiques a cependant vite relégué l’utilisation de l’urine humaine aux oubliettes, pour des questions surtout de transport et d’économie.

Pour traiter un hectare de culture, cela demande plus de 12 000 litres d’urine. Convertissez en nombre de camions nécessaires et de va-et-vient du tracteur sur le champ, et très vite, le manque d’efficacité de ce modèle économique saute aux yeux. « D’autant que dans l’urine, les éléments réellement fertilisants ne représentent que 5 % du volume total », ajoute Michael Roes, qui dès lors, a planché sur un nouveau process facile, moins cher et désormais breveté de recyclage et de valorisation de l’urine.

« Nous vendons des bactéries, pas de l’urine »

Un laboratoire de fabrication et de test de ces biostimulants à base d’urine humaine fonctionne d’ores et déjà à Langon.

« Comme démontré par des études, au-delà du triptyque NPK, l’urine contient beaucoup d’autres élément tels que des minéraux, des biomolécules…, d’où notre idée d’utiliser l’urine comme un support de fermentation et de croissance de bactéries, pour créer des substrats de culture, et ainsi des concentrés de bactéries », décrit-il.

« Nous vendons des bactéries, pas de l’urine. Elles peuvent servir autant pour la fertilisation des cultures, que la réduction de la pression pathogène, les fongicides, mais également, avec la caractérisation en cours d’exopolysaccharides, dans l’industrie agroalimentaire ou pharmaceutique… ».

Leur premier produit, qui devait être commercialisé en 2020 (Toopi Organics attend la validation de l’ANSES), à base de concentrés de lactobacille, dédié à l’agriculture, a bel et bien démontré son super pouvoir fertilisant. D’après des études menées par la Chambre d’agriculture et Bordeaux Sciences Agro, leur engrais à base d’urine humaine permettrait un gain de croissance des plantes et cultures de 30 à 110% par rapport à des engrais minéraux conventionnels sur grandes cultures et en plus, de réduire les besoins en eau des végétaux.

200 milliards de litres d’eau potable souillée par an en France

« C’est une alternative crédible aux intrants minéraux, très consommateurs d’énergie et de ressources fossiles. De plus, la récupération auprès de loueurs de toilettes sèches dans des festivals par exemple ou de laboratoires d’analyse médicales de cette matière première « inépuisable » et son recyclage, peuvent se traduire par une moindre consommation et pollution de l’eau. Actuellement 25 % de l’eau potable part dans les toilettes ; ce sont environ 200 milliards de litres d’eau qui sont souillés chaque année en France », ajoute le jeune patron de Toopi Organics.

Il prévoit la construction d’une unité de transformation, près de Langon, pour traiter un million de litres d’urine et l’ouverture de 20 unités dans la toute la France.

Marianne Peyri

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