cochonglier

La majorité des sangliers qui peuplent nos campagnes et s’aventurent en périphérie des villes sont des hybrides de cochons et de sangliers sauvages. Opportunistes et malins, ils sont de plus en plus nombreux. Qui est responsable de leur prolifération ? Nous avons posé cette « 1 question à » Pierre Jouventin, longtemps directeur de recherche en éthologie au CNRS & directeur du laboratoire d’écologie des animaux sauvages de Chizé (79).

« La population française de sangliers est évaluée à 1,2 million d’individus. Cette population a connu une explosion démographique sans précédent à partir des décennies 1970-1990. Pendant cette période, les fédérations de chasse ont financé de grands élevages.

L’objectif ? Relâcher des sangliers par dizaine de milliers et améliorer ainsi leurs tableaux de chasse. Elles ont aussi joué aux apprentis sorciers en créant des cochongliers, issus du croisement volontairement des sangliers sauvages (Sus crofa) avec leurs descendants domestiques, les cochons également appelés porcs (Sus crofa domesticus).

Pourquoi avoir créé cette chimère ? Primo, ces hybrides ressemblent plus à des sangliers qu’à des porcs, ce qui entretient la confusion. Secundo, les porcs sont des sangliers sélectionnés par l’être humain il y a 8600 ans pour être moins agressifs et surtout plus gras. Tertio, suite au même processus de domestication, les porcs sont devenus trois fois plus prolifiques que leurs ancêtres sauvages, notamment grâce à leur maturité sexuelle plus précoce. Cette créature a donc rapidement échappé à tout contrôle.

Une chimère prolifique !

Son expansion est favorisée par le changement climatique qui allonge encore sa période reproductive en supprimant le verrou hivernal. La déprise agricole lui fournit aussi plus de couvert végétal pour se cacher et les monocultures de maïs lui apportent une nourriture énergétique.

Comme si cela ne suffisait pas, de nombreuses sociétés de chasse donnent des consignes de tir sélectif pour épargner les reproductrices, les laies de plus de 35 kilos. On peut donc légitiment se demander si les chasseurs, par leurs pratiques, ne favorisent pas la surpopulation actuelle ?

Le tableau de chasse est passé de 50.000 sangliers en 1979 à 756.149, hors parcs et enclos, pour la saison 2017-2018. Dans les régions du Sud, beaucoup de fédérations pratiquent légalement l’agrainage : une pratique consistant à nourrir artificiellement les cochongliers sous prétexte de les tenir éloignés des cultures. Ce faisant, il les aident encore à se multiplier pendant les périodes de grand froid ou de fortes chaleurs qui les régulaient auparavant.

 

Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais

 

  • Pour trouver des témoignages et 15 références prouvant les lâchers de sangliers croisés avec des porcs, rendez-vous ici
  • Pour lire l’intégralité de l’article de Pierre Jouventin paru dans Le Courrier de la Nature, n°318, septembre-octobre 2019, cliquez ici.

Le cochonglier : une menace pour la biodiversité 

  • Ces animaux opportunistes et omnivores se nourrissent principalement de bulbes, de racines, de larves d’insectes. Ils  apprécient aussi à l’occasion les petits mammifères et les oiseaux.
  • Les cochongliers sont à l’origine d’une véritable pollution génétique. En Corse, par exemple, il n’y a plus aucun sanglier sauvage.

Photo de couverture par PublicDomainPictures de Pixabay

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