chauve-souris

Depuis le 22 janvier, tout commerce de produits d’animaux sauvages est interdit en Chine. Mais quel est le lien entre le commerce voire le trafic de faune sauvage et le coronavirus ? Nous avons posé la question à Serge Morand, directeur de recherche CNRS-CIRAD, écologue évolutionniste et parasitologiste « de terrain ».

 

«  La crise sanitaire que nous vivons actuellement résulte aussi de la mondialisation effrénée des échanges et de notre rapport altéré au monde sauvage. Il semble de plus en plus certain que les chauves-souris (réservoir animal de nombreux pathogènes) soient aussi le réservoir du COVID-19*. Cela signifie que ce nouveau coronavirus circule chez les chauves-souris. De nombreuses espèces d’animaux sauvages, comme le pangolin, sont suspectées d’être le vecteur de transmission du COVID-19 entre la chauve-souris et l’homme. Si l’on s’intéresse à l’écologie de la transmission de ce coronavirus, il faut donc se poser la question des liens entre les animaux sauvages, d’élevage et les humains.

Trop d’espèces sauvages « élevées » par l’homme

En Chine (et plus largement en Asie du Sud-Est où je travaille) on assiste au développement de nombreuses fermes d’élevages d’animaux sauvages, au motif fallacieux d’éviter les prélèvements dans la nature. Les normes sanitaires y sont inexistantes. On y élève des écureuils, des rats, des hérissons, des pangolins, etc. Ce type de fermes est-il vraiment protecteur pour la biodiversité ? J’en doute… Cette activité est en tout cas lucrative, dans le contexte d’une augmentation de la demande de viande, de produits issus des animaux sauvages (pharmacopée traditionnelle) ou d’animaux de compagnie !

C’est dans ce type d’élevage, dont le « stock » d’animaux sauvages se renouvelle sans cesse, que les épidémies peuvent naître. Les environnements dégradés, dont sont issus les animaux capturés, favorisent en effet la circulation des pathogènes et sont donc sources d’épidémies.

Sur ce Wet Market vietnamien, des rongeurs venant de rizières du Vietman, mais aussi du Cambodge côtoient d’autres animaux sauvages et d’élevage, vivants ou morts. PHOTO : Serge Morand

Repenser notre co-existence avec les animaux

Pour lutter contre les maladies infectieuses émergentes ou réémergentes, il importe de reconsidérer notre relation avec les animaux non-humains et d’étendre la notion de bien être et de droit à un environnement sain à tous les animaux, sauvages et d’élevage.

Ces épidémies se répandent d’autant plus vite que nous vivons dans un monde global. Il faut donc dé-mondialiser l’économie, relocaliser…. Cela aurait le triple avantage de diminuer les risques sanitaires, de réduire l’impact des échanges mondiaux sur le climat et de préserver l’environnement. Dans ce monde en crise, le seul indicateur qui mérite d’être retenu est celui du bien être et de la santé pour tous, humains et animaux non-humains. Car un monde qui continuerait d’aller de crise sanitaire en crise sanitaire n’est pas viable ! »

Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais

  • Ce nouveau coronavirus, baptisé 2019-nCoV au début de l’épidémie, a été baptisé Covid-19 par l’OMS.  Au 11 février 2020, l’OMS confirme 43 103 cas dans le monde, dont 11 en France. A cette date le COVID-19 est responsable de 1018 décès en Chine, dont un hors de Chine.

A lire  : La prochaine peste. Une histoire globale des maladies infectieuses, par Serge Morand (Fayard, 2016)

A visionner : une conférence de Serge Morand sur le thème « Santé et Biodiversité » donnée à Bordeaux, le 22 février 2019.

 

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