Ile de Ré. 10h00 du matin. Sur la plage de la Conche des Baleines, la tortue Ki s’apprête à vivre un grand moment. Dans quelques minutes, cette jeune tortue caouanne retrouvera le giron océanique, après plus de six mois passés au Centre d’études et de préservation des espèces marines (CESTM) de l’Aquarium La Rochelle.

Découverte le 13 décembre 2019 sur une plage de Lège Cap Ferret (33), Ki serait morte sans la chaîne de solidarité qui a permis son transfert vers La Rochelle, puis sa prise en charge. A son arrivée au CESTM, cette tortue juvénile souffrait d’hypothermie, de déshydratation et de carences.

Le froid ennemi des tortues marines

Née sur une plage de Floride ou du Cap Vert, Ki a d’abord voyagé au gré du Gulf Stream. « En chemin, ces juvéniles peuvent croiser des tempêtes et de forts courants marins qui les emmènent dans des eaux froides où elles se retrouvent piégées et s’affaiblissent », explique Florence Dell’Amico, responsable du CESTM. L’hiver, l’eau de la façade atlantique affiche des températures bien inférieures à 15 degrés. « Lorsqu’elles chutent en dessous de 10 degrés, la situation devient critique », complète Mathieu Coutant, co-directeur général de l’Aquarium. La quasi totalité des tortues marines accueillies au CESTM souffrent d’hypothermie.

Depuis 1988, le CESTM a recueilli et soigné 220 tortues caouannes, 27 tortues de Kemp et 10 tortues vertes. La plupart d’entre elles ont pu retrouver leur milieu naturel.

Huit tortues dans les « starting blocks »

Au Centre de soins, Ki a été réhydratée, supplémentée en calcium, nourrie et réchauffée. « La température des bassins a été progressivement amenée jusqu’à 23 degrés qui correspond à son optimum thermique », souligne Mathieu Coutant. Quelques jours avant la date du relâcher, la température a été ramenée à 18°C pour permettre à Ki de s’acclimater aux conditions qu’elle va retrouver. Sur l’Île de Ré, l’excitation suit la courbe inverse. Car le moment tant attendu est arrivé. Sur la plage de la Conche des Baleines, les huit tortues marines déclarées aptes à retourner dans leur milieu (sept tortues caouannes et une tortue de Kemp) commencent à s’agiter dans leurs bacs.

Avant son départ du centre, chaque tortue est placée dans un bac individuel adapté à sa taille. Avec ses 20,8 cm, Ki est l’une des plus petites.

Un nouveau départ pour Ki et ses copines

Ki sera la seconde à être relâchée. En l’espace de six mois, elle est passée de 776 grammes à 1,6 kilogramme. Mais il lui faudra encore quelques années avant d’arriver à maturité sexuelle et d’afficher un poids adulte avoisinant 110 kilos pour un mètre de long ! Grâce aux balises Argos dont certaines tortues sont équipées, on sait « que certaines d’entre elles adoptent un comportement côtier pendant plusieurs semaines avant de regagner la haute mer. D’autres mettent immédiatement cap à l’ouest, vers les Açores », commente Mathieu Coutant.

Que fera Ki ? Nul ne le sait… « Ma mission s’arrête là », sourit Florence. « Tout ce que nous pouvions faire a été fait. A elle de se débrouiller maintenant… »

Alexandra (accompagnée de sa fille) fait partie de la chaîne de solidarité qui a permis à Ki de survivre.

Dans quelques instants, la jeune tortue caouanne va retrouver son milieu naturel.

Texte et photos : Alexandrine Civard-Racinais

Vidéo : © Mathieu Latour pour Aquarium La Rochelle SAS

 

Un Centre de soin des tortues unique en France

Crée au sein de l’Aquarium La Rochelle, le Centre d’études et de soins pour les tortues marines (CESTM) recueille toutes les tortues marines échouées, capturées accidentellement en mer ou observées à la dérive depuis les côtes espagnoles jusqu’à la côte d’Opale. Pour assurer cette mission, il coordonne et anime le Réseau tortues marines Atlantique-est (RTMAE) composé d’une centaine de bénévoles. Outre les soins apportés aux tortues en détresse, le CESTM mène de nombreuses études scientifiques afin d’améliorer les connaissances sur ces espèces en danger de disparition.

Trois tortues caouannes, dont Kawaii, ont été équipées de émetteur satellitaire. Les données recueillies permettront d’en savoir plus sur leurs premières années de vie appelées « années perdues » en raison du manque de connaissances scientifique.

 

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