Bergères

Sur le plateau des Millevaches, en Limousin, trois bergères se sont réunies pour réutiliser la laine de leurs brebis. Pour l’instant à l’essai, elles essaient de réutiliser un produit qui était le plus souvent jeté. Elles ont redessiné une filière et  fabriquent bijoux, porte-clés ou charentaises..

Tonte, lavage, cardage, feutrage… tout le travail de la laine qui était encore d’une banalité confondante il y a moins d’un siècle est devenu désormais une sorte de défi à certaines évidences économiques : « On ne va pas vivre que de ça… mais c’est un bon complément. » Ou lorsqu’on fait du neuf avec du vieux, ça peut marcher.

Sur le Plateau des Millevaches, elles sont trois éleveuses à avoir refusé de laisser tomber leur laine : « On ne l’a jamais vendu très cher. On était à 50 centimes du kilo. Et puis ça a commencé à baisser. Et en 2017, il fallait la donner pour qu’on nous en débarrasse. »

Retrouver les savoir-faire

Le tri de la laine nécessite un matériel et un savoir-faire qui se font rares

Alors Sarah Chaussas, Marina Estrade et Lise Rolland se sont réunies pour faire quelque chose de cette laine perdue. Et pour ça, il a fallu retrouver des artisans capables de refaire l’ébauche d’une filière. Elles ont appris à trier la laine après la tonte, un savoir-faire lui aussi ancestral mais qui s’est peu à peu effiloché : « On enlève les parties sales, la ligne de dos qui est abîmée par les UV du soleil. On trie assez fort. »

Pour les autres opérations, il a fallu aller creuser les savoir-faire : le lavage de la laine est effectué à Saugues, en Haute-Loire, dans l’une des deux dernières entreprises françaises à pratiquer encore le lavage « sur des machines des années 30 qu’ils ont amélioré » pour que le lavage puisse se faire avec des savons biodégradables. « Parce que ça ne sert à rien de maintenir cette petite filière si c’est pour ne pas respecter les principes environnementaux. »

Cardage, feutrage et au boulot

Viennent ensuite le cardage, l’opération de démêlage des fibres et le feutrage (où au contraire on emmêle les fibres pour obtenir un tissu assez épais) qui sont réalisées dans deux entreprises corréziennes. Et le produit ainsi obtenu revient aux trois bergères sous forme de produit fini. C’est ainsi qu’avec un atelier de réinsertion de Saugues, elles ont développé une gamme de modèles et qu’elles fabriquent elles-mêmes leurs bijoux. Soit cousue à partir d’une « nappe » soit directement modelée, la laine feutrée s’adapte à une multitude d’objets que l’on croise forcément dans les marchés artisanaux : capes, sacs, chaussons, chapeaux et bérets. Les trois bergères fabriquent ainsi bijoux (boucles d’oreilles, colliers…) mais aussi des porte-clés ou des charentaises..

Mais la nouveauté, c’est que toute la provenance de leurs produits est traçable : « La plupart des artisanes qui travaillent la laine ne se renseignent pas sur sa provenance. Et la plupart du temps, c’est de la laine importée. » Elles ont fait le pari d’utiliser et de faire utiliser à nouveau la laine produite en France qui, la plupart du temps, était jetée. Une idée de circuit-court au-delà de la filière purement alimentaire.

Jean-Luc Eluard

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