retraités

Partout sur la planète, une quantité incroyable de couples passent désormais chaque heure de la journée ensemble.

C’est ce que font beaucoup de couples de retraités, et ce, même lorsqu’il n’y a pas de pandémie. Il serait avisé de s’inspirer de leur expérience, car de nombreuses études psychologiques montrent que les couples de plus de 65 ans sont les plus heureux parmi toutes les cohortes d’âge.

Un examen des recherches sur le sujet révèle que le bonheur conjugal forme une courbe en U au cours de la vie. Les jeunes relations ont beaucoup de moments positifs, mais aussi de nombreux conflits, tandis que les couples âgés jouissent d’une grande complicité avec moins de disputes. Les couples dans la quarantaine qui élèvent des enfants se situent au bas du U. L’appréciation de leur conjoint a tendance à diminuer et leurs conflits, à augmenter.

Il est possible qu’en ce moment, vous rêviez d’être à la retraite avec un conjoint, surtout si vous êtes seul. Faire du télétravail ou se retrouver au chômage tout en dirigeant une classe multiâge à la maison, en planifiant la nourriture pour trois repas par jour et en s’inquiétant de la santé de sa famille peut faire passer la retraite pour des vacances de rêve.

Il existe toutefois des similitudes importantes entre la retraite et l’isolement qu’engendre la distanciation sociale. Les réseaux sociaux sont réduits. Quand on n’a ni rencontres professionnelles ni la possibilité de retrouver ses amis au resto ou à la salle de sport, un partenaire nous paraît plus essentiel que jamais. En tant que thérapeute, je reçois des couples à toutes les étapes de la vie depuis près de trente ans, et je suis aujourd’hui témoin des défis relationnels que fait naître cette pandémie, une sorte de loupe qui peut faire ressortir le meilleur et le pire dans les relations.

Les couples âgés se soutiennent dans la tempête.Niyani Lingham Green/DigitalVision via Getty Images

Je suis là pour toi

Les couples âgés et retraités se concentrent principalement sur le soutien mutuel : puis-je compter sur toi quand j’ai besoin d’aide, que j’ai peur, que je suis préoccupé par la mort ou que je ne me sens pas bien ? Et puis-je devenir cette source de réconfort et de stabilité lorsque tu as besoin de moi ?

Quel que soit l’âge ou le stade du couple, la pandémie actuelle crée une dépendance mutuelle accrue. Puis-je compter sur toi pour te protéger et, ainsi, nous protéger lorsque tu fais l’épicerie ? Si j’ai peur pour la santé de mes parents ou pour la mienne, puis-je t’en parler ? Si le fait d’enseigner l’algèbre (une matière qui m’a fait souffrir à l’école) à nos enfants me rend impatient, prendras-tu la relève gentiment et sans me faire les gros yeux ?

C’est le moment idéal pour développer sa capacité à demander de l’aide et, en retour, à accueillir la vulnérabilité de son partenaire. Voici une belle occasion de s’entraîner pour les années à venir, lorsqu’on aura besoin de vivre une dépendance mutuelle accrue — quand il faudra pouvoir compter sur l’autre et lui offrir du soutien dans les instants difficiles ou de fragilité.

Moins de conflits

Mon collègue, le psychiatre Bob Waldinger, invite des couples octogénaires dans son laboratoire pour étudier leurs conflits. Il m’a raconté avoir souvent du mal à les faire reconstituer une dispute. Ayant vécu les mêmes querelles pendant des décennies, les couples plus âgés s’ennuient à l’idée de revivre ça. Ils connaissent par cœur les répliques de l’autre. Faut-il vraiment recommencer ?

Lorsque des couples âgés se disputent, ils vont généralement mieux gérer les conflits que les plus jeunes. Ils sont plus enclins à exprimer de l’affection et ont moins tendance à exprimer du dégoût et de l’agressivité ou à se lamenter. Comme leur relation est au centre de leur vie, ils sont plus enclins à pardonner à leur partenaire ou à laisser tomber leurs doléances.

Une bonne tactique est de tenter de repérer les querelles à leurs débuts et de proposer à son conjoint : « Est-ce qu’on pourrait parler de quelque chose de plus intéressant ? On sait probablement déjà tous les deux comment ça va se dérouler. »

Ou, s’il y a une insatisfaction qui doit absolument être exprimée, il est bon de se rappeler que dire un mot gentil ne signifie pas qu’on abdique, et qu’on peut sourire ou toucher tendrement l’autre personne.

Il est également conseillé de s’abstenir de tout commentaire méprisant ou méchant. Les chercheurs qui étudient les couples recommandent de suivre le « ratio magique » de 5 pour 1 (cinq choses positives pour chaque commentaire négatif) lors d’une dispute afin d’assurer l’équilibre de la relation. Ce ratio, qui peut sembler exagéré, repose sur le fait que les remarques négatives ont plus de poids que les positives. [

Quand « pour le meilleur et pour le pire » se vit 24 heures sur 24.Drazen_/E+ via Getty Images

Le présent, d’abord et avant tout

Des études montrent que les couples âgés se concentrent sur le présent et sont plus à même d’accepter la relation telle qu’elle est plutôt que de se tourner vers l’avenir, en imaginant une éventuelle transformation.

Même si les couples âgés ne discutent pas forcément de leur mort, leurs perspectives sont façonnées par un horizon temporel plus court. Ils accordent généralement plus d’attention aux expériences positives, veulent mieux comprendre leurs émotions et mettent leur énergie sur un groupe restreint d’amis proches et de membres de la famille.

Essayez de vous concentrer sur ce qui est bon dans votre relation. Qu’admirez-vous chez l’autre et qu’est-ce qui fait naître la gratitude en vous ? Les recherches montrent que si vous vous concentrez sur le soutien que vous offre votre conjoint, vous et votre conjoint vous sentirez mieux dans la relation. On a beaucoup d’occasions d’observer ses émotions pendant une pandémie qui fait naître de puissants sentiments de colère, de peur, d’inquiétude, de chagrin, d’amour et de gratitude. Que pouvez-vous apprendre que vous ne connaissiez pas déjà sur les forces de votre conjoint, sa capacité et ses difficultés d’adaptation ?

En se retrouvant en confinement à la maison avec un conjoint, on pourrait avoir envie de dire « Pour le meilleur et pour le pire, d’accord, mais pas à chaque instant de la journée. » Mais peut-être en ressortirez-vous mieux outillé ? Pas besoin d’attendre la retraite pour avoir une relation solide.The Conversation

Anne Fishel, Associate Clinical Professor of Psychology, Harvard Medical School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Image par Susanne Pälmer de Pixabay

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !