Cotton field at sunrise par alyna_Andrushko

C’est une première européenne : dans le Gers, des agriculteurs créent leur marque de vêtements avec le coton qu’ils produisent eux-mêmes. Une aventure qui commence à prendre forme cinq ans après des débuts expérimentaux

L’image d’Épinal est bien ancrée : pour faire pousser du coton, il faut une chaleur moite et des terres grasses comme on en trouve dans la vallée du Mississippi. Erreur : pour Yohan de Wit, cotonnier à Montréal-du-Gers (32), si personne ne s’est lancé dans la culture du coton en France, c’est seulement parce qu’on a toujours cru que ce n’était pas possible. Alors que sur les terres argilo-calcaire du Gers, « on obtient une qualité exceptionnelle». Et rien à voir avec le réchauffement climatique : « Il faut des terres sèches. Alors on le fait pousser sur des terres à céréales. » En outre, avec son racinaire profond et épais, le cotonnier prépare parfaitement les terres à recevoir de nouveau du blé dans le cadre d’une rotation des cultures.

Semer tôt, récolter tard

Certes, le cotonnier ne supporte pas le gel. Pas de souci : on plante au printemps et on récolte au début de l’hiver. Dans le Gers, il est exceptionnel de trouver des gelées durant ces presque huit mois de pousse : « On sème tôt, on récolte tard. On n’est pas là pour faire de l’intensif mais de la qualité. »

Ils sont trois jeunes à s’être lancés dans l’aventure de la production de coton. Pour faire vivre la ferme familiale PHOTOS JEAN FIL

Parce que dès le départ, il avait cette volonté d’un produit noble. La ferme familiale produit des céréales et du vin. Et le vin justement… « on aime cette idée de la transformation d’un produit agricole en un produit fini. Et d’un autre côté, ça nous énervait toute cette histoire du Made in France dans les vêtements alors que souvent, ce n’est que l’étiquette qui est mise en France. ». Ils plantent donc six graines dans la cour de la ferme familiale de Montréal-du-Gers. Juste comme ça, pour voir. Et pour voir, ils ont vu : l’année suivante, ils récoltent 100 kilos sur 2 hectares, avant de passer à 4 ha puis 14 ha.

Mais l’augmentation est là encore plus qualitative : avec les dix hectares actuels, ils produisent trois fois plus que sur les 14 hectares d’il y a deux ans : « C’est comme pour la vigne. Il y a des variétés qui s’adaptent plus ou moins. On a fait des essais un peu tous les ans, on a fait des bêtises mais on apprend. On n’a trouvé la bonne variété que l’an dernier. ». Et ils ont récolté un peu plus de 2,5 tonnes de coton. Grâce à des machines agricoles classiques bidouillées pour s’adapter à cette culture particulière.

Coton triangulaire

Leur société Jean Fil SAS, est premier producteur français mais loin derrière les leaders européens que sont la Grèce et l’Espagne. Mais le but n’est simplement pas le même. Ultra-subventionné, le coton européen est vendu tel quel. Ici, il est transformé en France : la filature est effectuée dans les Vosges, tricotage et teinture à Troyes.

Et la confection revient dans le Sud-Ouest à Mont-de-Marsan. « Localement, les seules filatures sont à laine. Mais on a privilégié des structures françaises, historiques et familiales. » Et les polos reviennent dans le Gers pour être commercialisés directement sous leur propre marque, Jean Fil. Avec pour objectif d’étendre la gamme au delà des polos. Et de se servir des troncs de cotonnier en plaquettes de bois à brûler pour sécher les fibres en remplacement du gaz. Parce que pour Yohan de Wit, « dans le coton, tout est bon ».

Jean-Luc Eluard

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