Le Blob alias Physarum polycephalum se lance à la conquête de l’espace. Quatre de ces créatures jaunes et gluantes participent à une expérience scientifique et éducative menée à bord de l’ISS par l’astronaute Thomas Pesquet durant la mission Alpha. Mais qu’est-ce qu’un Blob ?

En novembre 2019, Audrey Dussutour, chercheuse au CNRS, avait répondu à « une question à » sur ce sujet

« Tout commence dans les années 70, près de Dallas. Une dame trouve dans son jardin, une chose ressemblant à une vieille omelette. La dame trouve cela dégoutant et l’explose à coup de râteau. Le surlendemain, la chose a doublé de taille. Elle l’empoisonne, mais la créature ne meurt pas et continue à grossir. Elle appelle les pompiers qui envoient de l’eau à haute pression, mais l’organisme réapparait encore plus gros ! Et puis, du jour au lendemain, il disparait. Certains parlent de la visite d’un alien…

Il s’agit en fait d’un blob, un organisme unicellulaire qui appartient au règne des amibozoaires*. Un règne ancien qui s’est détaché des animaux et des champignons avant même que ceux-ci ne se séparent. Et il ne faut pas en avoir peur ! Sa capacité d’apparaître et de disparaître en peu de temps a une explication. Quand il se reproduit, cet organisme se transforme en petites spores noires disséminées par le vent. Un blob d’un mètre carré peut donc se volatiliser en quelques heures.

Le seul point commun entre Physarum polycephalumet la créature cauchemardesque du film The Blob ­de 1958 (qui lui a valu son surnom) ­c’est qu’il grossit et double de taille tous les jours. En moins d’un mois et 24 jours, un blob pourrait couvrir la surface de la planète. Heureusement, il ne mange pas les gens ! Dans la nature, il se nourrit de bactéries et de champignons. De plus, ses possibilités d’invasion sont limitées, car il déteste la lumière et craint la sécheresse. Il n’y a guère qu’en labo, que l’on pourrait offrir des conditions de vie favorables à une telle invasion.

Le blob est plus fascinant qu’effrayant. En 2016, mon équipe a montré que cet organisme unicellulaire était capable d’apprendre de ses expériences. Plus fort encore, ce génie sans cerveau peut transmettre des informations à un congénère en fusionnant avec lui. En 2019, nous avons également réussi à montrer que le blob pouvait garder en mémoire ses apprentissages pendant une année. En tant qu’éthologue, je m’intéresse à la manière dont ces capacités se sont mises en place au cours de l’évolution. Ces recherches peuvent nous apporter des réponses sur les origines de l’intelligence.

Le blob a aussi la capacité de détecter les polluants qui se trouvent dans son environnement. Si l’on arrivait à déterminer comment il s’y prend, cela pourrait être très utile aux humains. Par ailleurs, l’étude des substances chimiques qu’il secrète pour se nourrir de bactéries et de champignons nous mettra peut-être sur la piste de nouveaux antibiotiques et antifongiques. Le blob ne faisant rien comme tout le monde, nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise ! »

Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais

 

Photo d’ouverture : © Audrey Dussutour (CNRS)

* Audrey Dussutour est chercheuse au Centre de Recherches sur la Cognition Animale (UMR 5169 CNRS, Université Toulouse III), spécialiste des fourmis et des organismes unicellulaires.

 

Un livre, un film

Pour tout savoir sur le Blob, y compris ce que vous n’osez pas demander, la lecture de ce petit bijou d’humour et de vulgarisation scientifique, s’impose (éditions J’ai Lu, 2019).

• Cette lecture sera une indispensable mise en bouche avant la diffusion prochaine du documentaire Le blob, un génie sans cerveau (52′), prévue sur Arte d’ici le printemps 2020.

 

 

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