Encore assez méconnue, longue et vivant dans l’obscurité, pouvant se faufiler comme un serpent à travers champs… l’anguille entretient son mystère. Une énigme accentuée par sa résistance. Les pêcheurs peuvent témoigner : sortie de l’eau, elle respire encore. Même agonisante, elle bouge encore

Françoise Daverat, spécialiste des poissons migrateurs à l’Irstea de Bordeaux, tempère : « Attention, comme d’autres poissons, elle garde longtemps des réflexes nerveux. C’est pourquoi elle bouge d’une façon étonnante. » Mais l’anguille a plus d’un tour dans son sac pour consolider sa réputation de dure à cuire.

Il est vrai qu’elle peut respirer un moment en dehors de l’eau, en basculant d’une respiration par les branchies à une respiration cutanée. Un réflexe lié à son instinct de survie. Pour rejoindre un bras de rivière ou un étang, elle se mettra à traverser la terre ferme ou plutôt de l’herbe mouillée nécessaire à sa respiration devenue cutanée.

Plus surprenant, sa faculté à passer d’une eau douce à une eau salée de manière brutale. Forte mais menacée d’extinction « Tous les poissons ont un système d’osmorégulation pour maintenir leur milieu intérieur constant. La plupart des poissons migrateurs transforment ce système petit à petit lors de leu descente vers la mer. L’anguille, elle, peut faire basculer ce système d’un seul coup ! » explique Françoise Daverat.

L’anguille s’adapte plutôt que de subir une déshydratation violente à l’instar des autres poissons. Ajoutez à cela des performances musculaires exceptionnelles. Son énergie est utilisée de manière économe grâce à une nage très efficace liée à une forme du corps hydrodynamique. Pour les 6 000 kilomètres de son voyage retour vers la mer des Sargasses, ses eaux d’origine, la femelle ne fera pas un grand usage de la graisse accumulée en eau douce, à l’inverse des autres migrateurs. Elle la réservera plutôt à ses nombreux œufs.

Ayant développé des résistances liées à son milieu et sa migration, elle est pourtant classée sur la liste rouge des « espèces en danger critique d’extinction ». Sa graisse est un atout, mais aussi un danger car elle y capte la pollution de nos eaux, néfaste pour ses larves.

Très appréciée, elle a été victime de la surpêche en tant que pibale ou anguille argentée. Sans compter sur la modification des courants marins, les obstacles de nos rivières… La conjonction de tous ces facteurs fait dire aux scientifiques que les géniteurs sont trop faibles pour que la reproduction soit idéale. Un poisson ultrarésistant mais aux nageoires d’argile.

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