Porter de 2 % à 60 % la part des surfaces agricoles mondiales consacrées à l’agriculture biologique, c’est possible ! Les travaux d’une équipe de l’INRAE et de Bordeaux Sciences Agro, publiés le 13 mai 2021 dans la revue Nature Food, en témoignent. Mais un tel déploiement nécessitera de grandes évolutions commente Pietro Barbieri, maître de Conférences en Agronomie à Bordeaux Sciences Agro et co-auteur de l’étude

Pietro Barbieri

« L’un des freins au développement de l’agriculture biologique est la ressource restreinte en azote, indispensable à la croissance des plantes (voir encadré). Malgré ce frein, nos modélisations montrent qu’il serait possible d’augmenter la part de l’agriculture biologique mondiale jusqu’à 60 %. Mais cela va nécessiter de grands changements, tant de la part des consommateurs que des producteurs. »

Diminuer et modifier notre alimentation

« Un des leviers pour accompagner cette augmentation serait de passer d’une consommation alimentaire moyenne de 3000 cal. par jour et par personne dans les pays développés à 2 200 cal., avec un rééquilibrage au niveau mondial.

Ce rééquilibrage implique une baisse drastique de la part de la viande dans notre alimentation, au profit des végétaux notamment des légumineuses. En parallèle, il faudra aussi diminuer le gaspillage alimentaire d’au moins 50 %. »

Repenser les systèmes d’élevage

« D’autres rééquilibrages devront aussi être opérés par les producteurs. L’un des leviers d’action passe par la réduction du nombre global de certains animaux d’élevage, comme les poules et les cochons. Aujourd’hui, ces animaux sont principalement nourris avec des céréales qui pourraient être utilisés pour l’alimentation humaine. »

Cela passe aussi par la relocalisation des élevages, notamment de ruminants, plus près des cultures et de retourner à des systèmes de cultures mixtes (NDR : production animale et végétale sur une même exploitation) afin d’optimiser le recyclage de l’azote. »

D’autres pistes à explorer

« Nous envisageons maintenant d’étudier d’autres moyens de récupérer des ressources additionnelles en azote, notamment en augmentant encore plus la part des légumineuses, comme le pois ou le haricot, dans les assolements en bio.

Autre piste : nourrir poulets ou cochons avec des ressources alternatives n’entrant pas en concurrence avec l’alimentation humaine ou issues des résidus du gaspillage alimentaire. Il reste encore beaucoup à faire et à explorer… »

Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais

Barbieri, P., Pellerin, S., Seufert, V. et al.Global option space for organic agriculture is delimited by nitrogen availability. Nat Food(2021).

La ressource en Azote : une question centrale

  • En Agriculture Biologique, la fourniture d’azote repose essentiellement sur les fumiers issus de l’élevage et sur la fixation de l’azote atmosphérique dans le sol par les légumineuses.
  • Cette ressource naturelle est limitée.
  • Pour étudier l’impact de cette disponibilité sur le rendement des cultures et la sécurité alimentaire mondiale, l’équipe de l’INRAE et de Bordeaux Agro Sciences a développé un modèle simulant l’offre et la demande en azote des cultures agricoles en fonction de différents scénarios de développement de l’AB à l’échelle mondiale: 20, 30, 40… jusqu’à 100%. Une première.

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