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On présente les technologies quantiques comme la prochaine révolution. Au cours du XXe siècle, le « quantique » a d’ores et déjà bousculé notre quotidien. Que va-t-il nous apporter dans les décennies à venir ? Réponse de Philippe Bouyer, physicien et chercheur, initiateur et co-directeur de NaQuiDis, centre lancé en 2021 rassemblant les forces vives du quantique en Nouvelle-Aquitaine

« La physique quantique a par exemple permis de comprendre le comportements des atomes à l’échelle de l’infiniment petit. Cette science, qui a conduit à l’électronique et la photonique moderne, remonte à plus d’un siècle. Dès 1920, il a ainsi été mis en évidence, par exemple, qu’un atome puisse avoir des niveaux d’énergie ou que la lumière puisse se comporter à la fois comme une particule (photon) ou une onde. La compréhension de cette dualité, la possibilité de contrôler désormais la lumière ou les états atomiques, a permis ainsi l’avènement de la microélectronique qui a conduit aux circuits intégrés, des lasers. Les premiers ordinateurs ont aussi bénéficié de cette physique quantique.

Les années 1980 ont ensuite marqué un tournant. On parle de deuxième révolution quantique. A cette époque, on a en effet réussi à démontrer par des expériences le phénomène d’intrication (ou enchevêtrement) quantique. Si deux particules interagissent entre elles, elles vont conserver ensuite un lien fort et resteront dépendantes l’une de l’autre alors même qu’elles sont séparées par une grande distance.

L’information d’une action sur l’une est en quelque sorte « téléportée » vers l’autre. A cette découverte s’est ajoutée une autre avancée majeure dans les années 90 : la possibilité de manipuler des atomes notamment en les refroidissant et de créer et contrôler des ondes de matière.

Des capteurs ultra-sensibles pour anticiper les phénomènes naturels

Ainsi sont nés les premiers capteurs quantiques. Ils sont ultra-sensibles au moindre changement de l’environnement, à la rotation, aux différents champs électriques ou magnétiques. Ils mesurent ainsi très précisément, à l’échelle du milliardième, les toutes petites oscillations terrestres et pourraient donner des informations pour anticiper tremblement de terre, séisme, éruption volcanique… On peut aujourd’hui grâce à ces capteurs observer, sans nécessité de creuser ou de forer, des zones souterraines, détecter la présence ou non de nappes d’eau, ausculter l’intérieur d’un volcan…

En santé, les capteurs quantiques sont aussi à l’étude. Ils permettraient, en fournissant des images du champ magnétique et électrique émis par le cerveau, de mieux comprendre quelles zones du cerveau travaillent pour telle ou telle action, les déficiences neurologiques…

Des véhicules autonomes et sans GPS

On doit aussi aux technologies quantiques des systèmes de guidage sans GPS, pour des aéronefs, des avions et les futures voitures autonomes… L’enjeu est considérable car ces capteurs quantiques permettront d’éviter une dépendance aux satellites et d’accroître la sécurité. Ces systèmes quantiques sont en effet régis par des lois physiques immuables ce qui rend ces capteurs non seulement sensibles, mais aussi précis et exacts.

Une des avancées majeures sera également dans la cryptologie et la protection des données. Dans un système quantique, si un « espion » tente d’intercepter une information transmise entre deux particules, le lien entre elles est aussitôt cassé. C’est le système de sécurité parfait, ultime, pour transmettre des données confidentielles. Des réseaux de banques ont commencé à s’équiper de démonstrateurs, tout comme des opérateurs de communication. Cela représente aussi un fort enjeu de suprématie nationale.

Des ordinateurs ultra-puissants

Les premiers ordinateurs quantiques sont en train de voir le jour et il est probable que d’ici à une dizaine d’année ils soient régulièrement utilisés. L’idée de créer un ordinateur avec des systèmes quantiques remonte aux années 80 mais ce n’est que depuis dix ans que les choses évoluent, même si pour l’instant cet ordinateur quantique est encore de la taille d’un studio.

C’est donc désormais la course, au niveau mondial, chez les géants de l’informatique pour concevoir cette innovation de rupture. De fait, par la possibilité d’utiliser les propriétés de superposition et d’intrication des qubits d’un micro-processeur quantique, on démultiplierait le traitement et le partage d’informations. Ces ordinateurs seraient dotés d’une puissance de calcul phénoménale. Par exemple, ils permettraient de calculer la structure de molécules chimiques (ce que les ordinateurs actuels ne peuvent faire) et de trouver des médicaments plus rapidement. Ce sont des perspectives considérables. »

En savoir plus :
Le centre NaQuiDis

Propos recueillis
par Marianne Peyri

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