Rear view of mature woman in eyeglasses telling new gossip about colleagues at office

Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances, maîtresse de conférences à l’Université Clermont-Auvergne, détaille les mécanismes qui amènent certaines personnes à contribuer à la diffusion de fake news

« C’est une très bonne question, que j’ai notamment étudiée via la désinformation sur les réseaux sociaux au sujet du vaccin. C’est aussi une question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Tout dépend d’abord des connaissances et des croyances préalables de la personne.

Quand on regarde un post, on lui accorde plus facilement du crédit si on connaît la personne qui l’a écrit. Par exemple, quelqu’un qui est pro-vaccin va avoir tendance à faire confiance à la majorité des médias. S’il voit un tweet de BFM, il va le relayer car il sait que l’information aura été vérifiée avant sa diffusion. Mais cette façon de faire est de moins en moins celle que privilégient les jeunes générations, qui sont très présentes sur les réseaux sociaux mais méfiantes vis-à-vis des médias traditionnels. C’est là que peut arriver une information brute et que ces personnes doivent trier le bon grain de l’ivraie, ce qui les expose aux fake news.

Prenons un exemple : on tombe sur un tweet annonçant que le vaccin Pfizer tue des milliers de personnes chaque jour. Pour peu que l’on pense à la base que les vaccins peuvent être nocifs, on peut imaginer que cette information est probable voire vraie. D’autant plus si les fake news sont colportées par des scientifiques. Je pense en particulier à un chercheur du CNRS, qui n’est pas épidémiologiste mais a tout de même relayé des fake news sur le sujet. 

« Même la vérité ne les convainc pas »

Ce qui est difficile avec des personnes qui relaient des fake news de manière régulière, c’est que même la vérité ne les convainc pas. On entre là dans les mécanismes de la croyance, ce processus qui fait qu’une information vraie ne suffit pas à amener quelqu’un à réviser son jugement. Il faut comprendre que la personne qui adhère à des fake news va être dans une sorte d’univers intellectuel différent. Quelqu’un qui est persuadé que le vaccin est nocif, on peut lui présenter autant de preuves que l’on veut, il va dire que l’on ne dit pas la vérité. Cette personne va disqualifier l’émetteur, qu’il soit chercheur, journaliste ou législateur, entre autres.

Pour autant, on peut amener une personne à changer de point de vue, sauf si elle adhère à 100 % à des thèses complotistes par exemple. Mais si elle se pose des questions, on peut la conduire à vérifier, confronter, aller chercher d’autres sources. Le problème, c’est que les réseaux sociaux font en sorte que l’ont soit assaillis par des informations qui correspondent à nos croyances. Il faudrait aménager ces algorithmes pour modifier cela. »

 

Retrouvez tous les articles de notre série sur l’esprit critique ici.


Jean Berthelot de La Glétais

 

Avec le soutien du ministère de la Culture

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !