Véritable oasis de vie, le chêne abrite plus de 2 300 espèces animales et végétales avec lesquelles il entretient des relations étroites. Leur interdépendance est au centre du film Le Chêne, actuellement en salle, de Laurent Charbonnier et Michel Seydoux

Parmi les arbres qui peuplent les forêts tempérées, le chêne est celui qui abrite la plus grande diversité animale et végétale. En Europe, plus de 2 300 espèces d’oiseaux, d’insectes, de champignons et de lichens dépendent du chêne pédonculé (Quercus robur) et des autres espèces de chênes indigènes présentes dans nos contrées.

Le chêne à l’affiche du film éponyme est un Chêne pédonculé (Quercus robur) planté vers 1810. Il fait partie du groupe des chênes blancs qui compte quatre espèces. PHOTO DR @2022 – Camera One – Winds – Gaumont

Le gland : berceau pour la larve du balanin

C’est le cas de l’un des personnages les plus étonnants du film de Laurent Charbonnier :  le balanin du chêne.  Son nom même (balanus) signifie « gland » en latin. Ce drôle d’insecte est équipé d’un long rostre qui permet à la femelle de percer l’épaisse cupule de ce fruit afin d’y déposer un à deux oeuf. « Sa larve ne connaît pas d’autre nourriture, du moins dans les premiers stades de son développement » relate Jacques Tassin, chercheur en écologie végétale au CIRAD et auteur du très beau livre accompagnant la sortie du long métrage. Une fois le gland tombé au sol, la larve s’en extirpe avant de s’enfouir dans le sol où elle passera de longs mois à l’état de nymphe, dans l’attente du prochain printemps.

Le Balanin des glands est tributaire du chêne pour sa reproduction. En période de ponte, on peut compter jusqu’à un millier d’adultes sur un même arbre. Photo DR @2022 – Camera One – Winds – Gaumont

Le gland : aubaine pour la faune forestière

Les glands nourrissent aussi les sangliers, les chevreuils, les écureuils, les campagnols, les lapins, les lièvres, les pigeons ramiers, les corneilles, les geais, les pies… Cette manne prélevée directement par les animaux ou déversée par le chêne représente une véritable aubaine, car « outre le fait que le gland est le fruit forestier le plus commun, il est de surcroît deux fois plus nourrissant que la châtaigne et se révèle riche en calcium, phosphore et potassium. »

Enfin le gland se conserve très bien, ce qui permet notamment aux mulots sylvestres d’en constituer des stocks en prévision de la mauvaise saison. « Grâce à ces stocks, ils sont même en mesure d’élever une portée de jeunes au cours de l’hiver. De sorte que chaque printemps qui suit une forte glandaie d’automne est caractérisée par une population de mulots plus nombreux ».

L’écureuil participe à la dissémination des glands du chêne, bien que ce fruit forestier ne soit pas sa nourriture exclusive. Photo DR @2022 – Camera One – Winds – Gaumont

Des pique-assiettes et des alliés

Les animaux qui gravitent autour du chêne ne sont pas que des pique-assiettes, car en constituant des stocks les mulots participent à la dissémination des graines. Dans ce domaine, le meilleur allié du chêne est le geai qui porte son nom. Cet oiseau appartenant à la famille des corvidés est capable de récolter 5 000 à 10 000 glands par an. Chaque pièce de ce précieux butin est déposée au fond d’un trou avant d’être recouverte de terre. Ces cachettes seront ensuite visitées au cours de l’hiver… ou pas.

« Cette pratique d’enfouissement contribue à faire du geai un jardinier précieux des chênaies européennes. Si l’on ajoute que le printemps venu, pour nourrir sa progéniture, le geai consomme les chenilles dévorant les feuilles du chêne, il convient de conclure que l’arbre et l’oiseau ont ici instauré une alliance de tout premier ordre. »

Le Geai des chênes est un oiseau forestier en période de reproduction. PHOTO DR @2022 – Camera One – Winds – Gaumont

Véritable oasis de vie, de ses racines jusqu’aux cimes, le chêne tisse avec ses habitants et ses voisins des liens pérennes, offrant généreusement gîte permanent ou refuge temporaire, nourriture ou fraicheur, dont les hommes profitent aussi. Sachons leur en rendre grâce et suivre le conseil de Jacques Tassin : « Les arbres sont là, partout autour de nous. Ils nous attendent. Retrouvons-les »  en dehors des salles obscures !

Alexandrine Civard-Racinais

Photos : @2022 – Camera One – Winds – Gaumont

 

A lire :  Le Chêne, Jacques Tassin, Belin, 2022.

A écouter : les podcasts du MNHN sur le chêne et ses compagnons, notamment l’épisode 2 « au coeur du vivant » raconté par Marc-André Selosse, professeur du Muséum national d’Histoire naturelle qui nous dévoile notamment la manière dont l’arbre interagit avec ses compagnons aériens, terrestres et souterrains.

 

A voir : Construit comme un film d’aventure, Le Chêne et ses habitants (Laurent Charbonnier et Michel Seydoux, 2022) nous embarque dès les premières images : spectaculaires, comme cette fuite éperdue d’un geai des chênes poursuivi par un autour des Palombes ; étonnantes, comme les plans macros du minuscule balanin des chênes ; somptueuses, à l’image de ce chêne tutélaire.

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