Close-up of the foot of a young man cycling on the road.

Imaginez. Le Tour est cette fois bien lancé dans l’Hexagone, et le 14 juillet approche. Vous êtes au départ de la 12ᵉ étape – une étape de montagne… Votre première tâche sera de parcourir 33,2 km jusqu’au Col du Galibier dans les Alpes françaises, tout en gagnant environ 1 305 m de dénivelé.

Mais ce n’est que la première des trois grandes ascensions de votre journée, pour un total de 3050 mètres de dénivelé environ. Car vous affronterez ensuite le sommet du Col de la Croix de Fer et terminerez l’étape de 165,1 km par la célèbre montée de l’Alpe d’Huez avec ses 21 virages serpentins.

Même à mon meilleur niveau, je ne serais peut-être pas capable de simplement terminer cette douzième étape. Encore moins de le faire dans un temps qui s’approcherait des cinq heures et quelques que le vainqueur mettra pour franchir la lignée d’arrivée. Et cette douzième étape n’est qu’une des 21 qui doivent être terminées au cours des 24 jours du Tour.

Je suis physicien du sport et je modélise le Tour de France depuis près de deux décennies en utilisant les données du terrain – comme celles données ici pour la douzième étape – et les lois de la physique et de la physiologie. Mais je ne parviens toujours pas à comprendre totalement les capacités physiques nécessaires pour terminer la course cycliste la plus célèbre du monde.

Seule une petite élite sportive est capable de boucler une étape du Tour de France en un temps qui se mesure en heures et non en jours… La raison pour laquelle ils sont capables de faire ce dont le reste d’entre nous ne peut que rêver est que ces athlètes peuvent produire d’énormes quantités de puissance.

La puissance est la vitesse à laquelle les cyclistes sont capables de brûler de l’énergie, et l’énergie qu’ils brûlent provient de la nourriture qu’ils absorbent. Au cours du Tour de France, le cycliste vainqueur brûlera l’équivalent d’environ 210 Big Macs (environ 550kcal).

Cyclisme, le « jeu des watts »

Pour faire avancer un vélo, un coureur du Tour de France (comme tout cycliste) transfère, à travers le vélo, de l’énergie de ses muscles aux roues qui repoussent le sol et le propulsent. Plus un coureur est capable de produire de l’énergie rapidement, plus sa puissance est grande. Ce taux de transfert d’énergie est généralement mesuré en watts.

Les cyclistes du Tour de France sont capables de générer d’énormes quantités d’énergie pendant des périodes de temps incroyablement longues par rapport à la plupart des gens.

Pendant environ 20 minutes, un cycliste de loisir en bonne condition physique peut produire de façon constante 250 à 300 watts. Les cyclistes du Tour de France peuvent, eux, produire plus de 400 watts sur la même période. Ces professionnels sont même capables d’atteindre 1 000 watts pendant de courtes périodes, dans une montée raide par exemple – une puissance à peu près suffisante pour faire fonctionner un four à micro-ondes.

[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui.]

Mais toute l’énergie qu’un cycliste met dans son vélo ne se transforme pas à 100 % en mouvement vers l’avant. Il y a des déperditions : ces sportifs doivent lutter contre la résistance de l’air et les pertes par frottement entre leurs roues et la route. Et s’il bénéficie de l’aide de la gravité dans les descentes, il doit la combattre dans des montées parfois épuisantes.

Pour alimenter et faire tourner mon modèle, j’y incorpore toute la physique associée à la puissance du cycliste ainsi que les effets de la gravité, de la résistance de l’air et de la friction. En utilisant tout cela, j’estime qu’un vainqueur typique du Tour de France doit fournir une moyenne d’environ 325 watts pendant les quelque 80 heures de la course. Rappelez-vous que la plupart des cyclistes amateurs sont heureux quand ils réussissent à produire 300 watts pendant seulement 20 minutes !

Une pile de hamburgers

Les coureurs du Tour de France ont besoin d’ingérer trois à quatre fois plus de calories que ce qui est préconisé en conditions normales. Pietro Agliata/AFP

Transformer la nourriture en kilomètres

Alors, d’où ces cyclistes d’exception tirent-ils toute cette énergie ? De la nourriture, bien sûr !

Mais leurs muscles, comme les nôtres et comme d’ailleurs n’importe quelle machine, ne peuvent pas convertir 100 % de l’énergie alimentaire en énergie produite. Là encore, il y a de la déperdition. Les muscles peuvent avoir un rendement compris entre 2 % pour des activités comme la natation, et de 40 % pour le cœur (qui est aussi un muscle).

Dans mon modèle, j’utilise une efficacité moyenne de 20 %. Connaissant cette efficacité ainsi que la production d’énergie nécessaire pour remporter le Tour, je peux alors estimer la quantité de nourriture dont le cycliste gagnant a besoin.

En moyenne, les cyclistes les plus performants du Tour, ceux capables de terminer les 21 étapes dans les meilleurs temps, vont brûler environ 120 000 calories pendant la course, soit une moyenne de près de 6 000 calories par étape. Mais dans certaines des étapes de montagne les plus difficiles, comme la fameuse douzième étape de cette année, le curseur monte plus près des 8 000 calories !

Pour compenser ces énormes pertes d’énergie, les coureurs mangent de délicieuses friandises telles que des petits pains à la confiture, des barres énergétiques et d’appétissantes « gelées »… pour ne pas gâcher d’énergie à les mâcher.

Tadej Pogačar, qui a remporté le Tour de France 2021 et 2020, ne pèse que 66 kilogrammes. En effet, ce qui frappe dans leurs silhouettes affûtées, c’est que ces cyclistes n’ont pas beaucoup de graisse à brûler pour générer de l’énergie. Sans réserve, ils doivent donc apporter en continu de l’énergie (alimentaire) à leur corps pour pouvoir la lui faire dépenser presque aussitôt, à un rythme qui semble surhumain.

Cette année, en regardant une étape du Tour de France, notez donc le nombre de fois où les cyclistes mangent – vous connaissez maintenant la raison de tous ces grignotages.The Conversation

John Eric Goff, Professor of Physics, University of Lynchburg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !