Une nouvelle étude scientifique pointe l’impact des polluants du quotidien sur le déclin de la fertilité masculine. De manière inédite, ces travaux hiérarchisent les substances les plus nuisibles à la qualité du sperme humain

L’infertilité touche de plus en plus de personnes à travers le monde. En France, un couple sur quatre serait concerné.  Si cette hausse s’explique notamment par le recul de l’âge de la maternité, elle est aussi due, entre autres, au déclin de la qualité du sperme. Une nouvelle étude vient de le mettre en évidence et pointe les dangers des cocktails de polluants du quotidien. Publiée dans la revue Environment International, elle a été réalisée par des chercheurs britanniques et danois de l’université Brunel de Londres et de l’université de Copenhague sur des prélèvements d’échantillons urinaires de 98 jeunes hommes danois.

Les travaux ont consisté à hiérarchiser, parmi 29 substances les plus suspectées de nuire à la qualité du sperme humain, les plus déterminantes dans le déclin actuel : plastifiants, polluants organiques de l’environnement, pesticides, médicaments, ignifuges, etc.

Les bisphénols particulièrement pointés du doigt

Sans grande surprise, les plastiques, bourrés de perturbateurs endocriniens, tiennent, de loin, le haut du pavé. Le bisphénol A (BPA), en particulier, et ses succédanés (BPS, BPF) sont les substances qui nuisent le plus à la qualité de la semence masculine. On retrouve les BPS et BPF dans la fabrication d’équipements électroniques, d’emballages alimentaires, de peinture ou encore de vernis. Mais l’élimination du bisphénol A ne réduirait pas à lui seul les expositions combinées à des niveaux acceptables, expliquent les scientifiques dans leur publication.

Les bisphénols sont suivis des dioxines polychlorées (substances provenant de l’industrie chimique, l’utilisation de combustibles, les incendies de forêt…) et d’autres plastifiants (comme les phtalates, que l’on trouve dans certains cosmétiques par exemple), de certains parabènes (présents dans certains cosmétiques, médicaments, aliments…) et du paracétamol, antalgique bien connu et… consommé !

Autant de polluants tapis dans des produits du quotidien, et accusés de jouer un rôle central dans le déclin de la fertilité masculine, fléau de santé publique qui s’aggrave en continue depuis 60 ans.

Selon les estimations des chercheurs, le niveau médian d’exposition combinée de la population générale à ces produits est environ vingt fois supérieur au seuil de risque.

Une chute de 50 à 60 % de spermatozoïdes en moins de 40 ans

Depuis trente ans, de nombreuses études mondiales montrent un déclin de la qualité du sperme humain en particulier dans… les pays les plus développés. Et pas qu’un peu !

La synthèse la plus exhaustive publiée à ce jour, dans la revue Human Reproduction Update en 2017, indique que la concentration moyenne de spermatozoïdes de l’homme occidental est passée de 99 millions à 47 millions de spermatozoïdes par millilitre entre 1973 et 2011. Soit une chute de 50 % à 60 % en moins de quarante ans.

Les chercheurs britanniques et danois concluent leur étude ainsi : « des efforts soutenus pour réduire les expositions à ces substances sont nécessaires pour atténuer les risques ». En 2015, la France a été le premier pays à interdire le BPA dans les matériaux en contact avec les aliments. Mais ce BPA a été remplacé par… d’autres bisphénols, ce qui réduit fortement les bénéfices sanitaires escomptés. À quand d’autres mesures réglementaires, et plus vertueuses ?  

Florence Heimburger

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