Attention : ce texte contient des éléments qui pourraient gâcher l’esprit de Noël !

Nous sommes nombreux à raconter à nos enfants l’histoire de cet homme rondouillard et barbu qui vit dans la toundra glacée, sur le toit du monde. C’est lui le juge des valeurs morales de chaque enfant. Il a en main la liste de tous leurs noms. Il l’a vérifiée et contrevérifiée. Et on ne peut faire appel de son jugement.

Nous promettons à nos enfants qu’à une date connue d’avance, il profitera des ténèbres pour se faufiler dans nos maisons. Et c’est ainsi que tombera le couperet de son verdict. Pour se préparer à sa visite, la coutume nous dicte d’édifier et de décorer un arbre dans chaque maison (peu importe qu’il soit mort ou artificiel) et de lui laisser une offrande constituée de biscuits bien gras et d’un verre de lait bien nutritif. Il répétera sa tâche des milliards de fois, aidé en cela de son équipage de rennes volants.

Comment se fait-il que nos enfants puissent croire en quelque chose d’aussi absurde ? Et qu’est-ce que cela nous apprend sur la façon dont ils différencient le vrai du faux ?

Les enfants sont pleins de bon sens

On pourrait croire que les enfants sont particulièrement sensibles au merveilleux. Bien que cette critique ne soit pas sans fondement, il est tout aussi vrai que les enfants sont capables de comportements judicieux et savent se montrer sceptiques. Il nous faut déployer des efforts considérables pour leur faire croire au fantastique.

Dans une étude intitulée « Princess Alice », les chercheurs ont raconté à des enfants l’histoire de cette princesse imaginaire et invisible, qui était « présente » dans la pièce, assise sur une chaise à proximité. Les enfants ont ensuite été laissés à eux-mêmes, avec l’occasion de « tricher » tout en étant récompensés. Seuls quelques enfants ont contemplé la chaise vide, et moins encore ont agité leur main à l’emplacement de l’Alice imaginaire sur sa chaise vide. Et il n’y a qu’une faible preuve statistique pour démontrer que cet incitatif a eu une influence quelconque sur le comportement des enfants. D’autres auteurs, moi-même y compris, ont tenté sans succès d’obtenir les mêmes résultats.

À l’opposé, nous avons l’étude « Candy Witch ». À deux reprises, deux adultes se sont rendus dans une école pour y raconter l’histoire de « Candy Witch » et leur ont montré des images d’elle. Ils leur ont dit que Candy Witch échangerait quelques-uns de leurs bonbons de l’Halloween contre un jouet (à condition toutefois qu’ils s’abstiennent de les manger – ce qui n’est pas une mince affaire pour des enfants). Au préalable, leurs parents devaient appeler Candy Witch au téléphone pour la prévenir. Résultat : beaucoup d’enfants ont cru en Candy Witch, et certains d’entre eux y croyaient encore un an plus tard.

La différence essentielle entre ces deux recherches réside dans la quantité d’efforts que les parents (plusieurs) ont faits pour inciter les enfants à les croire. Les enfants sont sensibles aux efforts, et à juste titre.

Les gestes sont plus éloquents que la parole

L’enfance est une étape unique de l’évolution, alors que la maturité sexuelle est mise en veilleuse pour laisser place à la croissance cérébrale et l’apprentissage de la vie en société. Depuis toujours, la seule façon d’apprendre quelque chose sans l’avoir vécu soi-même est de se fier à un témoignage, une manifestation. Les enfants sont capables de faire la différence entre le fantastique et les histoires vraies, d’évaluer la validité d’une preuve, et préfèrent les histoires ayant une base scientifique. Dans bien des cultures, les enfants ont bien moins tendance que les adultes à recourir à des explications surnaturelles quand ils font face à l’inconnu. En fait, les enfants apprennent à formuler des prétentions surnaturelles.

Qui en premier a fait la promotion de l’arbre de Noël ? Vos enfants… ou vous ? Shutterstock

Selon la théorie, les rituels sont des manifestations qui ont beaucoup d’influence. La théorie de Joe Henrich sur les rituels hautement crédibles suggère que les apprenants (les enfants), afin d’éviter d’être trompés, font attention aux gestes posés par leurs modèles (les parents) et déterminent jusqu’à quel point le parent croit à quelque chose sur la base des conséquences auxquelles il devrait faire face s’il s’avérait que cette croyance n’était pas sincère. En clair : les gestes sont plus éloquents que la parole.

Le « père Noël » constitue un excellent exemple ; les parents participent volontairement à un rituel à la fois prolongé et coûteux. Il doit exister, sinon pourquoi mes parents se donneraient-ils tant de peine ? Pour faire passer ce conte, nous répétons aux enfants que les listes de Noël, les biscuits et verres de lait sont destinés au père Noël et non au respect de la tradition.

Pas facile de susciter une croyance

Parce que Noël imprègne notre culture jusqu’à saturation, nous le tenons pour acquis. Et parce que le père Noël est un mensonge raconté aux enfants, nous ne le considérons pas comme un sujet sérieux. Pourtant, Noël et son père Noël peuvent nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes et sur notre appréhension du réel.

Le père Noël, la petite souris, le lapin de Pâques sont uniques, d’une certaine façon. Ils exigent une adhésion à des normes sociales et à des rituels et ce, bien plus que pour d’autres personnages surnaturels (exception faite des personnages religieux). Ce n’est pas tant que les enfants soient confus par rapport au réel, mais plutôt qu’ils réagissent aux nombreux indices que nous leur proposons.

Et lorsque l’on parle du père Noël, nous avons tendance à non seulement affirmer qu’il existe, mais de plus nous nous livrons à un certain nombre de contorsions détaillées, trop compliquées en apparence pour justifier un mensonge. Mes recherches préliminaires démontrent que les personnages fréquemment associés à des rituels sont les plus susceptibles d’être perçus comme étant authentiques – bien plus que, par exemple, les extraterrestres ou les dinosaures.

Les enfants sont sensibles à nos actes – chanter des cantiques de Noël, installer un arbre mort dans nos maisons, déposer du lait et des biscuits sous la cheminée – et, fort logiquement, ils y participent. Le résultat, c’est qu’ils y croient : maman et papa ne se donneraient pas tant de mal s’ils n’y croyaient pas eux-mêmes, donc le père Noël existe.

Pourquoi me mentiraient-ils ?

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Rohan Kapitany, Lecturer in Psychology, Keele University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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