L’histoire du streaming est celle d’un gentil petit divertissement, devenu le principal usage sur internet. Avec des conséquences environnementales catastrophiques. Curieux fait le point

À sa naissance, en 1995, personne n’aurait parié sur cette frêle créature qu’était alors le streaming. Jusqu’à ce que quatre fées se penchent sur son berceau. La compression et le développement de la connexion haut débit, ont d’abord rendu possible la lecture de musiques et de vidéos via un ordinateur. Puis l’avènement des téléphones à écrans tactiles et des réseaux mobiles ont mis le streaming à portée de tous. La créature a grandi. Au point qu’aujourd’hui le visionnage de vidéos en ligne concerne 60 % du trafic mondial de données (Cisco, 2018). Et ce n’est pas une bonne nouvelle.

La vidéo en ligne représente 20% des GES attribués à l’ensemble du numérique et 1% des émissions mondiales de GES.

« Lean ICT – Pour une sobriété numérique », The Shift Project, 2018.

Du CO2 en plus dans l’atmosphère

Lancer une vidéo en ligne est tout, sauf un geste anodin. A l’échelle mondiale, ce glissement de l’index libère une quantité phénoménale de CO2 dans l’atmosphère. En 2018, le visionnage de vidéos en ligne a ainsi généré 306 millions de tonnes de CO2, soit autant qu’un pays comme l’Espagne ! Ces émissions, calculées par les experts du Shift Project, sont liées à la fabrication et à l’utilisation des infrastructures et équipements nécessaires.

Les vidéos proposées en ligne sont en effet stockées dans de gigantesques centres de données (data centers) qui tournent nuit et jour, 7 jours sur 7. Avant d’arriver sur l’écran d’un ordinateur ou d’un téléphone portable, elles transitent par des câbles, fibres, antennes… Pour fonctionner, toutes ces infrastructures et équipements nécessitent de l’électricité, dont la production consomme des ressources fossiles et émet le plus souvent du CO2. 

Des terres rares et stratégiques en moins

« Frankenstream », comme le nomme la série d’Arte sur le sujet, se nourrit de ressources fossiles, mais aussi minérales. La fabrication des terminaux sur lesquels nous lisons ces vidéos est tout aussi problématique. Car, « plus on dématérialise, plus on utilise de matières. Plus on miniaturise et complexifie les composants, plus on alourdit leur impact sur l’environnement » explique l’Ademe dans La face cachée du numérique

C’est le cas du smartphone qui contient pas moins de 30 éléments chimiques, dont des terres rares comme le tantale. Or, l’extraction, et le traitement de ces minerais est source de pollutions des sols, et de destruction de la biodiversité. Un malheur sans fin. Car le monstre et ses adeptes sont insatiables.

L’insoutenable usage de la VOD

En 2018, les auteurs du rapport « Lean ICT – Pour une sobriété numérique », s’inquiétaient de ce que « la part du numérique dans les émissions de GES a augmenté de moitié depuis 2013, passant de 2,5% à 3,7% ». A ce rythme, cette contribution pourrait s’élever à 7% en 2025. En cause « l’explosion des usages vidéo et la multiplication des périphériques fréquemment renouvelés ». 

Ils s’alarmaient déjà du fait que « la demande en métaux rares et critiques, également indispensables aux technologies énergétiques bas-carbone, est-elle aussi croissante ». Dans un contexte d’urgence climatique, une telle surconsommation est même insoutenable !

En novembre 2022, la Société européenne de chimie (EuChemS), a pointé une « menace sérieuse d’épuisement dans les 100 prochaines années » de 7 éléments sur les 30 utilisés dans les smartphones. Devons nous vraiment attendre que le monstre nous dévore pour réagir ?

A voir :

• « Frankenstream. Ce monstre qui nous dévore ». Série documentaire réalisée par Adrien Pavillard, à voir sur Arte.tv

A lire :

La face cachée du numérique, Ademe, 2019.

Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne, The Shift Project, juillet 2019.

Alexandrine Civard-Racinais

Avec le soutien du ministère de la Culture

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