Télétravailler plus, pour vivre mieux et polluer moins. La promesse est alléchante. Est-elle réaliste ? Pas si sûr. Car de nombreux effets rebonds limitent le bénéfice environnemental du télétravail

Métro, voiture, boulot, dodo. Pour 64% des Français, la voiture à moteur thermique représente le premier moyen de transport utilisé au quotidien, notamment pour se rendre au travail. Laissant dans son sillage, particules fines nocives pour la santé et gaz à effet de serre (GES) impliqués dans le réchauffement climatique. Aussi, les pouvoirs publics encouragent-ils entreprises et administrations à recourir au télétravail.

Moins de déplacements = moins d’émissions de GES

De fait, la mise en place du télétravail se traduit par des gains en termes de polluants et de GES. L’Agence de la transition écologique (ADEME), estime ainsi que la mise en place d’une journée de télétravail hebdomadaire permettrait d’éviter de rejeter 271 kg équivalent CO2 (eqCO2) par an. Ce grâce aux trajets domiciles-travail évités.

A partir d’une étude terrain menée auprès de 26 organisations françaises en 2020, l’ADEME souligne par ailleurs que le « bilan global du télétravail est favorable du point de vue environnemental » tout en identifiant un certain nombre d’effets rebonds susceptibles d’atténuer ces bénéfices. 

Mais des effets rebonds négatifs

Ce sont précisément ces effets rebonds qui font tiquer Françoise Berthoud, ingénieure de recherche en informatique au CNRS, membre et ancienne directrice du GDS, groupement de service EcoInfo « Pour une informatique éco-responsable ». « Il y a tant d’effets en cascade, qu’il est bien difficile de trancher. Les trajets secondaires, effectués initialement sur les parcours de travail pour faire des courses par exemple ou aller chercher ses enfants à l’école seront effectués dans tous les cas ». 

Certes, ces trajets résiduels sont plus courts, mais ils plombent le bilan environnemental de la journée de télétravail. Sans compter d’éventuels reports sur des trajets loisirs le week-end, rendus possibles par les économies de carburant en semaine.

Les possibilités nouvelles offertes par le télétravail peuvent également inciter la personne concernée à chercher un domicile plus spacieux. Or un lieu de vie plus grand sera potentiellement plus énergivore, et « consommera plus de béton qui est extrêmement émetteur en CO2 ». Le télétravailleur peut aussi choisir de s’éloigner de son lieu de travail, voire changer de région. Ce qui est, là encore, susceptible d’atténuer les bénéfices du télétravail. S’installer à Nice en conservant son job a Paris n’est pas spécialement vertueux si un tel choix impose de prendre l’avion une fois par semaine. 

Pas de solution clé en mains

Une grande partie de l’équation dépend donc de la façon dont les individus se comportent, et des possibilités qui leur sont offertes par leur environnement social ou les pouvoirs publics. « Pour que le télétravail s’accompagne de gains positifs, il importe que le télétravailleur réfléchisse à ses usages, à son mode de vie, souligne Françoise Berthoud. Le jour ou il va travailler, il peut prendre les transports en commun, le vélo ou covoiturer. Ce qui n’était peut-être pas envisageable tous les jours de la semaine, peut le devenir si l’effort se limite à un jour ou deux. »

S’il fait partie de la solution et des leviers pour cheminer vers un futur plus désirable, le télétravail n’est donc pas la panacée. 

Alexandrine Civard-Racinais

Avec le soutien du ministère de la Culture

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