Ici, les eaux ne sont pas si paisibles que cela. Bancs de sable, courants forts, l’estuaire de la Gironde et le fleuve Garonne sont loin d’être des lieux de tout repos pour les marins, qu’ils soient d’eau douce ou non.

D’ailleurs, ici, nous sommes entre deux eaux : l’eau de mer et l’eau douce que l’on trouvera « pure » loin en amont, la marée de l’Atlantique ayant un effet sur 150 kilomètres.

C’est bien l’Atlantique qui rend la navigation difficile dans un estuaire qui se vide en six heures. Jérôme Lambert, président du Syndicat des pilotes maritimes de la Gironde, précise : « Ici, il n’y a pas de rade-abri. On est directement sur la façade atlantique. Alors, on subit la houle et le mauvais temps.
Et l’estuaire est chargé en boue. C’est très différent du Rhône ou de la Seine. » C’est pourquoi son corps de métier existe depuis le XVIe siècle. Peu connu du quidam qui flâne sur les quais, ce métier est essentiel à la vie du port. Au premier sens comme au sens figuré… Ces professionnels, qui ont derrière eux au moins dix ans de navigation en haute mer, guident les commandants des 1 500 navires dépassant les 50 mètres qui entrent dans l’estuaire chaque année. Leur atout ? La connaissance de « leur » terrain. Et on ne rigole pas avec la sécurité.

Sous la monarchie, puis durant l’Empire, la sanction était très sévère pour le marin qui décidait d’y rentrer seul. Car les bancs de sable s’y déplacent, les hauts-fonds sont traîtres et les courants peuvent aller jusqu’à 5 nœuds. « Au niveau de la passe d’entrée, cela déferle beaucoup et la houle monte sur les bancs. L’estuaire est une zone difficile, on est toujours surpris par ce qui peut s’y passer. » Tout est question de précision.

Alors, pour déterminer le chenal, le port de Bordeaux sonde tous les mois l’ensemble de l’estuaire pour définir le tirant d’eau maximal. « Cela peut varier de 10 à 20 centimètres d’un mois sur l’autre. Le canal se modifie sur plusieurs mois. » Sans oublier la marée : « Elle donne jusqu’à 5 mètres de différence. On a alors un programme précis de hauteur d’eau, suivant où l’on se trouve, qui est calculé toutes les dix minutes pour établir la cote de passage. »

Quand on sait que le chenal mesure 150 mètres de large dans un estuaire qui fait jusqu’à 10 kilomètres, l’exercice est délicat. Vraquier, gazier ou autre paquebot de 300 mètres, il faut d’abord dompter la Gironde pour les guider.

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