3 QUESTIONS À. L’Ifremer et son Laboratoire d’océanographie physique et spatiale de Brest travaillent sur les évolutions des courants marins. Ces derniers jouent un rôle important dans l’absorption et le transport du CO2 émis dans l’atmosphère. Explications avec l’océanographe Raphaël Bajon 

Comment l’océan capte-t-il le carbone ?

Raphaël Bajon : L’océan absorbe le carbone grâce à deux phénomènes. Le premier est physique, le second est biologique.
Le dioxyde de carbone est soluble dans l’eau. Le CO2 se dissout alors naturellement dans l’océan. Cela est favorisé par les basses températures, c’est pour cela qu’on observe plus de dissolution de CO2 dans les hautes latitudes, là où l’océan est plus froid. Par ailleurs, l’eau froide étant plus dense, elle va plonger dans l’océan et va emporter avec elle, dans les profondeurs, le CO2 qui a été dissous en surface.

Le second processus, biologique, s’appuie sur la photosynthèse réalisée par le phytoplancton. Ces algues microscopiques vont absorber le CO2 de l’atmosphère, le transformant en matières organiques et en oxygène. Cela se passe dans la zone éclairée de l’océan, proche de la surface. Une partie de ces algues va être mangée par d’autres organismes, et lorsqu’elles meurent, une autre partie va tomber emportant le carbone vers le fond.

Comment se comporte l’océan face à l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère ?

Raphaël Bajon : L’océan absorbe à l’heure actuelle environ 1/4 du CO2 contenu dans l’atmosphère et la végétation terrestre en capte autant. Mais les réactions de l’océan face à la hausse des émissions restent incertaines. La dissolution du CO2, transformé en acide carbonate dans l’eau, vient acidifier les océans. C’est une menace forte pour les océans, fragilisant les organismes marins. Or, l’acidification vient modifier les propriétés chimiques de l’eau. Cela aura donc un impact sur l’absorption du CO2.

Si l’océan et les masses d’eau sont davantage saturés, son potentiel d’absorption sera réduit. Si l’on continue à émettre la même quantité de CO2 dans l’atmosphère, l’océan risque de ne plus pouvoir en capter autant. Et comme l’océan se réchauffe, et ce davantage en surface qu’au fond, les eaux étant plus chaudes le processus de dissolution du carbone sera aussi amoindri.

Quels rôles jouent les courants dans ce processus ?

Raphaël Bajon : La température et la salinité des océans sont responsables de la circulation thermohaline. Ces grands courants marins qui permettent au CO2 de plonger au fond sont importants dans l’absorption du CO2, avec des transports horizontaux et verticaux. Mon laboratoire s’intéresse au Gulf Stream car la circulation de ce dernier change avec le réchauffement climatique et semble s’affaiblir.

Les courants continuer à se modifier avec la hausse des températures et les changements de salinité. Un courant plus faible ou plus important modifie donc le transport du CO2 dissous dans l’eau. Cette pompe physique peut donc être amenée à être modifiée du fait des changements de températures dans les océans.

La pompe biologique est aussi impactée avec un océan plus stratifié à cause du réchauffement climatique. Les apports nutritifs de la profondeur vers la couche éclairée, nécessaires à la photosynthèse, vont être amoindris, réduisant aussi le potentiel de captation de carbone du phytoplancton.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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