Les Vikings faisaient commerce de l’ivoire de morse grâce à leurs colonies du sud du Groenland. Une nouvelle étude scientifique démontre qu’ils sont montés bien plus au nord et même jusqu’à l’extrême arctique canadien. Ils ont alors eu des liens avec les Inuits de Thulé et des peuples canadiens. Et ce bien avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb
Parmi les lectrices et lecteurs de ces lignes, beaucoup sont devenus incollables sur les Vikings. Parfois, ils peuvent même connaître l’histoire, les mœurs et les dates de ce peuple normand bien mieux que ceux des Gaulois. Le résultat d’une exploitation massive de l’histoire viking pour de grandes séries télévisuelles.
On connaît bien moins l’histoire des Inuits. Au mieux, on pense que c’est un peuple contemporain. Si c’est vrai, c’est aussi un peuple multiséculaire. Vikings et Inuits ont donc vécus à une même période. Et comme les séries Netflix nous ont appris que les Vikings ont vite exploré de nouvelles terres vers le nord-ouest, et notamment vers le Groenland (comme on le rappelait dans Curieux), ils ont donc pu se côtoyer.
Une route de l’ivoire de l’Europe à l’Asie
Car au-delà de nouvelles colonies à installer au Groenland, le territoire des Inuits recelait un matériaux très intéressant pour les Vikings car très recherché en Europe : l’ivoire. Celui des morses que les Inuits chassaient avec une grande agilité et technicité.
On pensait que les Vikings chassaient l’ivoire des morses depuis leurs colonies situées au sud du malnommé« pays vert ». Des scientifiques suédois ont démontré que les Vikings se sont déplacés bien au-delà de leur navigation connue jusqu’alors pour ce juteux commerce. Ils remontaient au nord du Groenland dans l’Extrême-Arctique pour rencontrer les Inuits de Thulé et négocier l’ivoire de morses. Puis, ils le transportaient ensuite non seulement en Europe mais aussi au Moyen-Orient et même en Asie.
Pour reconstituer un tel parcours commercial, les scientifiques ont étudié des crânes de morses découverts lors de fouilles dans des villages vikings et ceux des régions arctiques. En reconstituant les cartes génétiques des territoires des populations de morses, ils ont découvert que les Vikings s’étaient rendus dans des contrées au climat et à la navigation difficile : au Pikialasorsuaq, dans la polynie des eaux du nord.
« Rencontres remarquables dans les vastes et intimidants paysages de l’Extrême-Arctique »
Peter Jordan, l’auteur principal de l’étude publiée dans Science advances s’exclame : « Bien sûr, nous ne le saurons jamais précisément, mais sur un plan plus humain, ces rencontres remarquables, encadrées par les vastes et intimidants paysages de l’Extrême-Arctique, auraient probablement impliqué une certaine curiosité, une fascination et une certaine excitation, le tout encourageant l’interaction sociale, le partage et peut-être l’échange ».
Cet aspect est loin d’être anecdotique car il marque une rencontre historique comme il est précisé dans l’abstract de l’étude : « les rencontres entre les Scandinaves européens et les autochtones d’Amérique du Nord représentent la première reconnexion « complète » des deux principales branches des dispersions humaines du Pléistocène hors d’Afrique ».
Les Vikings qui se sont ainsi rendus au nord-ouest du Groenland et à l’Extrême-Arctique canadien ont donc rencontré des peuples américains plusieurs siècles avant que Christophe Colomb ne découvre l’Amérique !
Alexandre Marsat