Crise climatique et crise d’effondrement du Vivant sont les deux faces de la même monnaie. Toutes deux connaissent une aggravation. Au risque d’arriver à des points de bascule incontrôlables, dont les effets seraient irrémédiables. Ces points de non-retour ne sont pas encore atteints, mais le temps est compté

Un système en péril. C’est le titre du rapport Planète Vivante 2024, publié par le WWF. Car le constat est dramatique : au cours des 50 dernières années, la taille moyenne des populations d’animaux sauvages suivies à diminué de 73 %. C’est notamment le cas des éléphants des forêts d’Afrique centrale ou des truites de rivière en France métropolitaine. Or, « le déclin des populations d’animaux sauvages suivies est (…) un indicateur d’alerte précoce de la perte potentielle de la fonction et de la résilience des écosystèmes », s’alarme Kirsten Schuijt, directrice générale du WWF International. La nourriture et l’eau que nous consommons, l’oxygène que nous respirons, et une grande partie de nos médicaments dépendent en effet du bon état des écosystèmes.

Des écosystèmes dégradés et plus vulnérables 

Le lit totalement asséché de cette rivière du Lot, photographiée pendant l’été 2024, n’accueille plus aucune vie. Le changement climatique fait partie des menaces qui pèsent sur la biodiversité, avec la dégradation et la perte d’habitat, la surexploitation, les espèces invasives et les maladies.

« Une fois dégradés, souligne Kirsten Schuijt, les écosystèmes deviennent plus vulnérables aux points de bascule. C’est le cas lorsque les pressions, telles que la perte d’habitat, le changement d’affectation des terres ou le changement climatique poussent les écosystèmes au delà d’un seuil critique, provoquant alors un bouleversement considérable et potentiellement irréversible ».

Dans le cas de la forêt amazonienne, il suffirait que 20 à 25 % de cette grande forêt tropicale humide soient détruites pour qu’un point de bascule soit atteint. Ce point n’est pas encore atteint, mais 14 à 17 % de sa surface a déjà disparu. Il y a donc urgence à enrayer ce processus de déforestation massif, pour sauvegarder notre « poumon vert ». D’autant que les forêts pâtissent aussi des effets du réchauffement. Dans son 6ème rapport d’évaluation sur les bases physiques du changement climatique, le GIEC avait déjà alerté sur la capacité décroissante des forêts à agir comme « puits de carbone ».

Des calottes glaciaires sensibles au réchauffement climatique

La perte de masse des calottes glaciaires inquiète également les scientifiques. « Pour le Groenland comme pour l’Antarctique, on estime que les points de bascule, se situent entre 1,5°C et 2°C de réchauffement par rapport à la période pré-industrielle. Aujourd’hui nous en sommes à 1,1°C. Autrement dit, si le climat continue de se réchauffer, on pourrait progressivement perdre de grandes étendues de nos deux calottes glaciaires », nous avait expliqué le glaciologue Gaël Durand. Avec à la clé, une élévation du niveau marin. Et plus le climat se réchauffera, plus cette hausse sera rapide et désastreuse.

Là encore, il existe une petite marge de manœuvre. « Tout n’est pas perdu ! », rappelle inlassablement le climatologue Christophe Cassou. Si nous arrêtons demain les émissions nettes de CO2 dans l’atmosphère, alors la température globale se stabilise immédiatement. Corolaire important : le réchauffement des prochaines années n’est pas lié à une quelconque inertie géophysique mais à l’inertie des sociétés humaines à sortir de l’usage des énergies fossiles.»

Tout n’est pas perdu, mais le temps est compté

La crise d’effondrement du vivant peut aussi être freinée. « Nous n’avons pas encore atteint le point de non retour. Nous détenons entre nos mains, le pouvoir et l’opportunité de changer de trajectoire », affirme avec force la directrice du WWF International. Là ou d’importants efforts de conservation ont été consentis, certaines populations d’animaux sauvages se sont stabilisées voire développées.

« Nous devons multiplier les efforts de conservation et les rendre plus efficaces, tout en nous attaquant systématiquement aux principaux facteurs de perte de la nature. Il faudra, pour cela transformer nos systèmes alimentaires, énergétiques et financiers », insistent les auteurs du rapport Planète Vivante. Ce, avant que les répercussions négatives de la dégradation de la nature et du climat ne nous conduisent vers des points de bascule incontrôlables. 

Alexandrine Civard-Racinais

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Fermer la popup
?>