Sur certaines capacités, l’intelligence artificielle dépasse d’ores et déjà l’homme. Pour autant, malgré les progrès énormes, la machine semble loin de nous remplacer. Rencontre avec l’expert en informatique et robotique Olivier Ly
En 1997, ce fut le choc. L’ordinateur Deep blue, prémisse de l’intelligence artificielle, bat aux échecs le champion du monde Garry Kasparov. Un cran au-dessus, en 2016, c’est le logiciel Alphago qui détrône le champion mondial coréen de GO, jeu au nombre incalculable de positions.
L’IA y démontre ses immenses capacités de calcul et surtout d’auto-apprentissage, Alphago étant capable d’apprendre en jouant contre lui-même. « Oui, en termes de puissance et de rapidité de calcul, l’ordinateur dépasse l’humain », appuie Olivier Ly, chercheur au Labri, Laboratoire bordelais de recherche en informatique et pilote de R4, réseau de recherche régional en robotique.
Quand les ordinateurs dépassent l’humain
Selon lui, des progrès immenses ont été réalisés en quelques années (que l’on n’aurait jamais pu imaginer) aussi au niveau de l’intelligence dite générative, soit la capacité des machines à créer de nouveaux contenus (conversations, images, histoires…) et de nouvelles idées. « C’est le cas des diverses applications de ChatGPT. On est face à une réactivité et adaptabilité incroyables On voit aussi que les ordinateurs dépassent l’humain dans la mémorisation des informations binaires et en terme de localisation en extérieur. Aucun humain n’est capable comme un GPS de se positionner partout sur la terre au centimètre près », ajoute le chercheur.
Olivier Ly n’en relativise pas moins ces capacités de mémorisation et de géolocalisation de l’IA. Il rappelle combien chez l’humain « se souvenir » comme « se repérer dans l’espace » sont des phénomènes cérébraux complexes. « Concernant l’intelligence du monde qui nous entoure, la perception des objets, les ordinateurs font des progrès très importants, mais de là à savoir s’ils vont dépasser l’homme… »
L’intelligence motrice, on ne l’a pas encore
Il en va de même pour l’intelligence motrice. Olivier Ly est le concepteur de robots footballeurs au sein de l’équipe Rhoban, multiples champions du monde à la Robocup, soit la plus grande compétition de robotique et d’intelligence artificielle. Il travaille ainsi à introduire une intelligence artificielle incarnée dans la réalité physique via des robots capables de percevoir, décider et agir. « Depuis deux ans, il y a eu d’énormes progrès dans les robots humanoïdes, avec ceux de Tesla aux États-Unis, des prototypes impressionnants également développés depuis un an par de multiples start-up chinoises. Cependant, l’homme et l’animal se déplacent avec une certaine agilité, adaptabilité et une grande robustesse…Tout ça en robotique, cette intelligence motrice, on ne l’a pas encore. »
Les pistes du machine learning et des moteurs à basse réduction
Si les frontières entre machines et humains s’amenuiseraient à l’avenir, on le doit actuellement à des innovations de rupture. L’usage de moteurs dits à basse réduction et « réversibles » rend désormais les robots plus dynamiques, rapides, agiles et capables de mieux s’adapter. En parallèle, les chercheurs en robotique travaillent à introduire des mouvements issus et conçus complétement par des algorithmes d’apprentissage. Il s’agit du « machine learning », soit lorsque l’IA apprend de ses expériences et améliore ses performances. Par ces technologies, le robot va définir seul, sans l’aide de caméras dans l’environnement, comment avancer, se relever, etc.
« La mécanique, les moteurs, l’ingénierie… On sait faire beaucoup de choses, mais de façon plus simple que ce qui se passe dans le corps humain », souligne cependant Olivier Ly. « Chez les grandes enseignes de logistique, il faut toujours des humains pour manipuler des objets très hétérogènes, grands, petits, durs, mous. Tout ça est encore difficile avec un robot. De façon pragmatique, la mécanique reste un frein. A l’avenir l’IA remplacera plein de taches effectuées par l’homme, mais de là à le remplacer et à reproduire ce qui se passe dans le cerveau humain, on en est loin. »
Marianne Peyri
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation