3 QUESTIONS À Basile Chaix, directeur de recherche INSERM à l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm – Sorbonne Université). Coordinateur scientifique du programme d’impulsion de l’Inserm portant sur la thématique « changement climatique et santé ». Il explique à Curieux les multiples conséquences du changement climatique sur la santé

1- Quels sont les enjeux de santé face au changement climatique ?

Basile Chaix : Ils sont très nombreux et opèrent au travers de mécanismes assez divers. Le dérèglement climatique influe très notablement sur la santé humaine. Au-delà des vagues de chaleur (voir question suivante), il augmente et augmentera la survenue d’événements climatiques extrêmes comme les cyclones, ouragans ou tsunamis, qui provoquent directement des décès. Ils peuvent aussi provoquer des catastrophes industrielles ou l’effondrement des services essentiels à la population : hôpitaux, électricité, distribution d’eau potable, etc.

Les feux de forêts et les tempêtes de poussières des zones désertiques comme le Sahara augmentent la pollution aux particules fines, localement mais aussi globalement. De son côté, la montée du niveau des mers entraînera des décès et provoque la salinisation de réserves d’eau potable.

D’un autre côté, l’augmentation des températures exacerbe la pollution à l’ozone avec des effets que l’on a pu mettre en évidence sur la mortalité.

Le réchauffement a des conséquences sur les rendements agricoles et l’acidification des océans sur la pêche, donc, in fine, sur la santé humaine.
Les zones de répartition et le fonctionnement des espèces animales et végétales sont modifiés, ce qui renforce l’exposition à des maladies infectieuses comme la dengue avec le moustique-tigre, ou des problèmes respiratoires avec des plantes très allergènes comme l’ambroisie.

2- Quels sont les dangers des vagues de chaleur ?

Basile Chaix : Les épisodes de fortes chaleurs génèrent le plus de conséquences. Ils ont des répercussions sur la physiologie humaine à cause notamment des hyperthermies et de la déshydratation qui peuvent aller jusqu’au décès.

Pour l’année 2023 c’est plus de 5 000 décès en excès en France pendant la période qui va du 1er juin au 15 septembre. Et c’est 47 000 morts en Europe.  Dans une étude internationale publiée dans The Lancet qui s’intéresse aux effets des vagues de chaleur sur la mortalité dans 854 villes de 30 pays différents, c’est Paris qui ressort avec les effets des vagues de chaleur les plus élevés sur la mortalité.

Il y a aussi une augmentation du risque de naissance prématurée. Et une augmentation des hospitalisations pour des raisons de santé mentale. L’accidentologie au travail et sur la route est aussi plus importante.

On observe différents types de violence avec des homicides, des agressions et des viols.

3- Pourquoi les effets du changement climatique sont-ils plus forts en ville ?

Basile Chaix : Les villes sont concernées par le phénomène de l’îlot de chaleur urbain où les bâtiments et les revêtements au sol rejettent la nuit la chaleur accumulée le jour. A Paris, la température peut être plus élevée de 8 degrés la nuit pendant les canicules, par rapport à la périphérie. Sans compter les activités humaines qui vont contribuer à réchauffer l’environnement : les machines, les transports et la climatisation.
Les décès peuvent alors survenir à domicile avec des logements où la température peut être de 10 à 15 degrés plus élevée que celle à l’extérieur.

Il y a aussi la question de l’écoulement des vents qui peut être limité par la disposition des bâtiments et qui va réduire la capacité de refroidissement en période de vagues de chaleur.
On observe alors une augmentation du risque de mortalité en milieu urbain trop faiblement végétalisé. A ce titre, il ne faut pas oublier les périphéries défavorisées des grandes villes qui sont aussi concernées.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Fermer la popup
?>