3 QUESTION A Claire Rogel-Gaillard, pilote pour INRAE du programme national de recherche « Agroécologie et Numérique » co-porté par Inria. Des données aux ressources génétiques en passant par les agro-équipements, les scientifiques du programme ont pour objectif de s’appuyer sur le numérique pour accompagner la transition agroécologique et attirer vers le métier d’agriculteur
1 – Quelle est la place du numérique aujourd’hui dans l’agriculture ?
Contrairement à une idée reçue, le numérique est déjà présent dans l’agriculture depuis longtemps. Il assiste l’exploitant dans toute la diversité de ses activités en exploitant une masse d’informations à prendre en compte pour conduire ses tâches.
Il y a 3 grandes typologies de numérique pour l’agriculture. D’abord l’agroéquipement en lien avec la réduction de la pénibilité du travail, et puis il y a des réseaux sociaux. Mais aussi l’alimentation des bases de données pour ensuite constituer des outils d’aide à la décision.
En 2020, 15 % des agriculteurs étaient dotés de stations météo connectées. Cela aide à la prise de décision et à l’organisation des interventions, comme par exemple pulvériser quand les sols sont en capacité d’absorber les substances. En 2019, 30% des agriculteurs étaient équipés de capteurs de rendement sur les moissonneuses-batteuses. Et plus de la moitié des exploitants utilisent un système de géolocalisation embarqué sur une machine au champ. Les robots de traite sont apparus vers 1990 et 70 % des éleveurs laitiers en achètent un lors du renouvellement de leur matériel.
2 – Que permet le numérique pour la production agricole et la transition agroécologique ?

L’agroécologie relie l’agriculture à l’environnement avec comme objectif d’assurer la fourniture de services écosystémiques en favorisant et préservant la diversité fonctionnelle. C’est-à-dire comment l’agriculture peut contribuer à rendre des services environnementaux tout en les utilisant pour avoir un bon niveau de production en minimisant l’introduction d’engrais de synthèse, d’antibiotiques et de produits phytosanitaires.
Il y a un certain nombre de leviers comme la diversification des espèces et leur culture en mélange, ce qui nécessite d’adapter les méthodes de récolte (tri entre les graines, hauteurs de coupe, etc.).
Il y a aussi le couplage entre production animale et végétale, l’amélioration génétique, le biocontrôle et la biostimulation, les agroéquipements. Pour élaborer les outils d’aide à la décision et les agro-équipements, il y a besoin de numérique : données en masse (big data), modélisation, intelligence artificielle.
3 – Comment la recherche peut-elle participer à ce développement
Le numérique doit permettre d’anticiper et de prévenir, évitant des pertes et les interventions trop tardives. Il doit limiter la pénibilité du travail qui peut se trouver amplifiée par la diversification des productions. Et par là même recréer de l’attractivité pour le métier d’agriculteur.
Dans ce cadre, la recherche est mobilisée pour développer des outils numériques en capacité d’aider les agriculteurs à répondre aux défis économiques, alimentaires, environnementaux et sociétaux auxquels ils sont confrontés. La recherche travaille aussi sur l’organisation des données. L’objectif est de maximiser les impacts positifs du numérique tout en favorisant la sobriété.
Pour cela, nous avons mis en place un programme de recherche « Agroécologie et numérique » sur 8 ans financé par France 2030. Doté de 65 millions d’euros, il est copiloté par INRAE et INRIA. Il vise à développer des recherches sur les données, les ressources génétiques et les agroéquipements au service de la transition agroécologique et de l’adaptation aux aléas climatiques. Ce programme contribue à la stratégie d’accélération de France 2030 qui s’appelle SADEA pour systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique.
Propos recueillis par Alexandre Marsat
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
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