Question tordue : quel est le point commun entre le Mont-Saint-Michel, la baie de Somme et l’estuaire de la Gironde ? Réponse moyennement évidente : ce sont les trois sites français qui ont les plus grandes étendues vaseuses. Et on ne fait pas « beurk ». La vase, ce n’est pas sale.

Elle est composée de sables, de limons, d’argiles, de matières organiques, et d’eau salée. Les matières nonorganiques doivent être d’une taille inférieure à 2 micromètres (10-6mètre), soit dix fois plus petites que le sable. Ces petites choses sont transportées par l’eau et finissent par se déposer là où le courant est faible, donc dans les estuaires ou les fonds de bassins, comme celui d’Arcachon.

Pour ce faire, elles font de la floculation, ce qui n’est pas un gros mot mais l’action, pour des petites particules, de se rassembler sous forme de flocs, agrégats plus gros. Le phénomène s’accélère lorsque l’eau est plus salée et la température plus élevée.
S’ensuit la sédimentation, c’est-à-dire la chute au fond de l’eau des flocs lorsqu’ils deviennent trop gros. Nous voici donc avec une plaque de vase. Et comme la force des vagues est atténuée par la vase (jusqu’à 95 % de perte d’énergie dans certains endroits du monde), on ne peut pas compter sur l’eau pour l’emporter, et elle s’accumule.

On distingue généralement trois zones dans les vasières : bancs de vase situés les plus au large, toujours recouverts d’eau et qui diminuent l’action des vagues ; les laisses de vase (également appelées slikke), recouvertes à marée haute, avec une faune très riche ; et les prés salés (dit aussi schorre), inondés uniquement aux grandes marées.

Entre 5 et 10 % du littoral mondial est constitué de vasières. Ces zones suscitent des craintes légendaires, le plus souvent liées à la peur des sables mouvants qui pourraient engloutir les êtres humains. C’est une légende : comme les yaourts qui sont solides et deviennent liquides lorsqu’on les agite, la vase est dite thixotrope. Comme elle est saturée d’eau, une agitation diminue la pression entre les grains et les rend mouvants.

Mais on ne peut s’y noyer : au fond, la densité augmente au-dessus de celle du corps humain et, depuis Archimède (monsieur Euréka), on sait que l’on ne peut s’enfoncer dans un corps plus dense que nous. C’est le même principe qu’une blague vaseuse : on s’enfonce mais on n’en meurt pas.

Jean Luc Eluard

Chronique réalisée en collaboration avec le Mag de Sud Ouest.
http://www.sudouest.fr/lemag/

Crédit photo : Pierre Baudier

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