Essai transformé ! Entre le 9 novembre et le 9 décembre 2018, un autocar roulant au marc de raisin a effectué un test grandeur nature sur la ligne Dax-Mont-de-Marsan. Une solution alternative aux carburants fossiles. Bientôt, 9 autocars du même type entreront en circulation sur la ligne La Rochelle-ile de Ré. C’est rouge et ça roule ! Illustration.

En France, on n’a pas (ou peu) de pétrole, mais on a des idées… et des vignes. Une fois les grappes de raisin pressées, que faire des peaux, des pépins et autres résidus viniques non utilisés ? Réponse… de l’alcool brut, pour faire tourner les moteurs et non les têtes. Car le marc de raisin constitue le principal composant du carburant ED95* destiné à équiper les véhicules lourds, composé à 95 % d’éthanol issu de résidus viniques et à 5 % d’additif non pétrolier. Un bioéthanol de deuxième génération produit par Raisinor France Alcools, basée à Coutras (Gironde), récemment testé dans les Landes et bientôt adopté en Charente-Maritime.

Le marc représente les parties solides du raisin. PHOTOS DR/ Raisinor Alcools France

Raisins rouges et carburant vert

Entre le 9 novembre et le 9 décembre 2018, un autocar roulant au marc de raisin a en effet effectué un test grandeur nature sur la ligne Dax-Mont-de-Marsan gérée par la SPL Trans-Landes. « C’est plus une démonstration qu’une expérimentation, souligne Jérôme Budua, directeur de Raisinor France Alcools. Car ce type de carburant est déjà utilisé depuis de nombreuses années dans les pays d’Europe du Nord. En Suède, on en est même à la 5ème génération de moteurs ED95 ».

Le véhicule testé dans les Landes est d’ailleurs un autocar de la marque Scania, seul constructeur commercialisant cette technologie nécessitant une motorisation dédiée. Un mois de service, 6400 kilomètres d’asphalte avalés, avec à la clé un bilan satisfaisant, y compris ­et peut-être surtout au plan environnemental. « Une analyse prenant en compte toutes les étapes de vie du carburant depuis la récolte des matière premières jusqu’au produit fini a permis de mettre en évidence une réduction de 95% des émissions de CO2 pour l’ED95 par rapport au diesel fossile (NDA : norme Euro 6), et de 50 % des émissions de dioxyde d’azote (NOx) », se réjouit Jérôme Budua.

De plus, ce carburant n’émet quasiment pas de particules fines à la sortie du pot d’échappement. Une bonne nouvelle pour le climat, en ces lendemains de CoP 24 ! Cerise sur le capot, son prix est actuellement inférieur à celui du gazole (0,85 centimes d’euro par litre contre 1,34 € début 2019).

Chaque année, 100 000 tonnes de résidus viniques sont traitées par la distillerie Union des Coopératives Vinicoles d’Aquitaine (UCVA), basée à Coutras. 90 % d’entre eux sont collectés dans un rayon de 50 kilomètres. .

Dans les Landes, la phase de tests continue

Seul hic, l’utilisation de l’ED95 engendre une maintenance et une consommation plus importantes, inconvénients déjà mis en avant par l’ADEME dans un rapport comparatif publié fin 2017. De fait, « un trajet de 100 kilomètres nécessite l’utilisation de 40 litres de bioéthanol ED95 contre 25 litres de diesel Euro 6 », relève la SPL Trans-Landes qui tire néanmoins un bilan « globalement positif » de cette expérimentation.

Un autre test grandeur nature, cette fois avec du BioGNV (Gaz naturel pour véhicules issu partiellement de la méthanisation locale), est prévu en avril/mai 2019. Dès 2020, le plan de renouvellement de la flotte de cars et de bus circulant dans les Landes intègrera l’achat de véhicules équipés pour recevoir l’ED95 ou le BioGNV.

En Charente-Maritime, l’essayer c’est l’adopter

La Région Nouvelle Aquitaine vient d’ores et déjà d’acquérir 9 autocars roulant à l’ED95, confirmant ainsi son engagement en faveur du développement durable et des énergies renouvelables. « Un signal positif » pour Marie Chéron, expert mobilités au sein de la Fondation pour la Nature et l’Homme, car « l’investissement des régions dans ce type de solutions qui mériteraient vraiment d’être soutenues au niveau national peut avoir un effet levier ».

Ces autocars seront officiellement mis en service début 2019 entre La Rochelle et l’île de Ré et carbureront donc eux aussi au marc de raisin girondin… et charentais puisque 10 % des résidus viniques collectés par la distillerie Girondine UCVA viennent de l’île de Ré. Bouclant ainsi la boucle et réalisant une première sur le territoire.

Alexandrine Civard-Racinais

* Depuis janvier 2016, le carburant bioéthanol ED95 figure sur la liste des carburants autorisés en France.

En novembre 2017, un car alimenté en ED95 avait déjà été testé sur la ligne Bordeaux-Blaye (33).

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