On entend dire ici et là que le scorbut, cette « maladie des marins » liée à une grave carence en vitamine C,  serait de retour, notamment en Nouvelle-Aquitaine. Qu’en est-il vraiment ?

L’alerte est venue des Etats-Unis où 20 à 30 cas de scorbut ont été diagnostiqués entre 2012 et 2018, selon le site Science Alert. Suite à la publication de ces chiffres (liés à la diffusion du film Vitamania), plusieurs articles de presse et sites plus ou moins sérieux ont fait état d’une résurgence de cette maladie grave, potentiellement mortelle, dans les pays développés, notamment en France.

Si quelques cas ont bien été signalés ces dernières années en métropole ou dans les territoires d’outre-mer, il demeure pourtant difficile de se faire une idée de l’ampleur réelle du problème dans la mesure où aucune statistique n’est disponible sur le sujet. Et pour cause : le scorbut n’est pas inscrit sur la liste des « maladies à déclaration obligatoire » par les médecins. Et il ne fait l’objet d’aucune surveillance particulière par l’Agence nationale de santé publique.

« Préoccupé par la rougeole et la tuberculose »

A l’échelle régionale, « aucun cas ne nous a été signalé », indique l’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine (ARS-NA). Même son de cloche au sein de l’antenne bordelaise de Médecins du Monde (MDM) qui souligne « qu’aucun cas de scorbut n’a été détecté » au sein des 2 500 personnes en situation de grande précarité et/ou d’exclusion suivies dans le cadre de son Centre d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) ou de la mission Squats.

« Je n’ai jamais rencontré cette maladie dans ma pratique. Ni actuellement dans le cadre de mes missions pour MDM, ni en tant que généraliste », souligne le Dr Dominique Bernard. En cas d’explosion des cas, ce sont pourtant ces hommes, ces femmes et ces enfants qui seraient les plus à même de présenter les symptômes du scorbut. Car celle que l’on appelait jadis la « maladie des marins », touche aujourd’hui principalement des personnes isolées ­(jeunes ou âgées, ou en situation précaire, SDF, réfugiés…). Des personnes qui n’ont pas les moyens de s’alimenter correctement et de manger suffisamment de fruits et de légumes pour éviter une carence en vitamine C.

Pour l’heure,… « ce n’est pas un sujet de préoccupation pour nous », indique l’ARS-NA. Idem chez Médecins Du Monde, ou le Dr Bernard se dit « plus préoccupé par la tuberculose ou la rougeole » que par une maladie qui sévit surtout… « sur les réseaux sociaux ».

Quelques cas identifiés en 2015 au CHU de Limoges

De fait, les informations et chiffres qui circulent sont souvent assez anciens. En Nouvelle-Aquitaine, les derniers cas recensés datent de… 2015. Une recherche effectuée au sein du CHU de Limoges entre août 2014 et septembre 2015, avait alors permis d’identifier 10 cas de scorbut parmi 63 patients carencés en vitamine C.

« Pour en arriver là, il faut vraiment que la carence en vitamine C se prolonge pendant trois mois. Dans les pays développés comme le nôtre, il est rare de ne pas manger le moindre fruit ou légume », relativise le Dr Simon Parreau, principal signataire de cette étude. « On ne peut pas vraiment parler de « retour du scorbut », faute de données ou de chiffres précis ».

Pour autant « cette maladie peut encore être diagnostiquée dans les populations précaires ou chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques susceptibles d’empêcher l’assimilation de la vitamine C et les médecins doivent y penser devant certaines manifestations, comme des hématomes ou des hémorragies. »

Sur les 10 cas repérés au CHU de Limoges, trois patients étaient sans emploi, trois ne prenaient pas trois repas par jour, trois étaient éthyliques chroniques, un cas présentait une pathologie psychiatrique. L’une des patientes atteintes du scorbut avait aussi un régime totalement déséquilibré, essentiellement composé de fast-food…

Ceux qui consomment leurs 5 fruits et légumes par jour, ne sont pas atteints de maladies inflammatoires chronique ou ne vivent pas dans des situations de grande misère sociale ou d’exclusion n’ont donc pas (trop) de soucis à se faire…

Alexandrine Civard-Racinais


À retenir :

  • Quelques cas de scorbut ont été signalés ces dernières années en France, mais cette maladie reste rare
  • Elle touche principalement des personnes en situation précaire ou isolées
  • Elle peut être évitée par la consommation régulière de fruits et légumes
  • A l’heure actuelle, aucun cas de scorbut n’est signalé en Nouvelle-Aquitaine

A savoir :

La consommation d’au moins cinq fruits et légumes par jour apporte 150 à 200 mg de vitamine C, soit plus que les apports quotidiens recommandés chez l’adulte (110 mg/jour). Le cassis, le persil frais, les poivrons rouge et vert crus, le radis noir cru, le kiwi, la fraise, ou les agrumes font partie des aliments riches en vitamine C.

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !