Officiellement, le loup n’est pas encore présent en Haute-Vienne et la Région Nouvelle-Aquitaine cherche à « anticiper son éventuelle arrivée » en créant un « réseau d’entente » pour détecter précocement sa présence. Sur le terrain, les éleveurs crient déjà « au loup » et demandent plus de transparence

En Haute-Vienne, éleveurs et représentants de la Chambre d’agriculture en sont persuadés : le loup (Canis lupus) est déjà dans la bergerie, sinon à sa porte. « Nous avons des prédations inexpliquées et persistantes sur certains secteurs », se désole Emilie Pons, vice-présidente de la Chambre d’agriculture. Les premiers cas ont été recensés entre fin 2016 et début 2017 : « 8 brebis et agnelles retrouvés égorgées et/ou consommées », confirme Yves de Launay éleveur à Eymoutiers. Les premières d’une sinistre série… « Depuis le début de l’année, 24 brebis, 5 agneaux, 4 veaux et 3 poulains » ont succombé à des attaques, sans compter deux veaux disparus.

Les éleveurs crient « Au loup ! » face à plusieurs prédations

Pour Yves de Launay, comme pour les membres de l’association « Préservons nos troupeaux des loups en Limousin », ces prédations ne peuvent pas être l’œuvre d’un chien ou d’un représentant de la faune sauvage (blaireau, renard), mais la signature d’un ou plusieurs loups, « même si l’on ne peut pas accuser le loup à chaque fois ». Seul hic… officiellement Canis lupus (espèce protégée) n’est pas présent en Haute-Vienne. Et crier « au loup » ne suffit pas…

530 loups répartis sur 92 zones de présence permanente (68 meutes) sont actuellement recensés par le réseau Loup/lynx de l’ONCFS, en charge du suivi du loup en France. 90 % de la population lupine se concentre dans les Alpes.

Comment savoir si le loup est là ?

A l’heure actuelle, seules les observations visuelles (rares tant l’animal est discret) la découverte d’empreintes de pas, de carcasses d’animaux sauvages, et la collecte de « matériel biologique » (sang, poils, excréments), destiné à analyses génétiques confiées par l’ONCFS au laboratoire français Antagène (Lyon)*, constituent des indices permettant d’attester de la présence régulière ou permanente du loup.

« Mais le système actuel de détection est trop lent » explique Antoine Nochy, ingénieur-écologue, en charge d’une expérimentation menée par la Région Nouvelle-Aquitaine (voir encadré).

Mutualiser les efforts avec un réseau d’entente

D’où l’idée de mettre en place un « réseau d’entente » afin de favoriser une détection précoce de la présence du loup. Présence qui ne fait aucun doute aux yeux d’Antoine Nochy, tant indices et informations s’accumulent. « Il y a du loup, c’est sûr, peut-être plusieurs meutes qui ne sont pas toutes responsables des attaques. Il faut sortir du déni, mutualiser les efforts, produire des savoirs sur cette espèce et apporter des solutions. On ne peut pas laisser des gens vivre dans la peur. Il y a une exigence de sciences et de résultats ! »

En Limousin, les questions des éleveurs ne tournent déjà plus autour de « l’éventualité » d’un retour du loup, mais de la meilleure façon de s’organiser. Et tous attendent avec impatience les conclusions des fiches expertises établies lors des constats effectués par l’ONCFS. « Il y a surtout une exigence de transparence » insiste Yves de Launay. Pour la sérénité du débat, on verra plus tard…

Alexandrine Civard-Racinais

 

Photo image d’ouverture : PHOTO DR / P.Massit – ONCFS

* Des analyses génétiques réalisées par le laboratoire allemand ForGen, à la demande de l’association PNTLL, ont récemment mis en évidence de l’ADN de loup français (attaque du 31/05/2018), mais ces analyses ne sont pas reconnues.

La reconnaissance officielle de la présence du loup permettrait aux éleveurs de recevoir une aide pour la protection des troupeaux et des indemnisations en cas d’attaque attribuée à ce grand carnivore. PHOTO DR/  P.Massit – ONCFS

 

Favoriser la détection précoce en Limousin

La première phase d’une expérimentation menée en Limousin est en cours jusqu’à la fin de l’été 2019. Cette première phase, financée par la Région Nouvelle-Aquitaine et pilotée par Antoine Nochy (association Houmbaba), vise à appuyer un « réseau d’entente » entre éleveurs, naturalistes, chasseurs, élus, forestiers, État… afin de faire remonter le plus vite possible des informations sur la présence du loup et son comportement. « Le problème, c’est qu’il n’y a pas de transversalité de savoirs. Un forestier ne parlera pas à l’agriculteur, qui ne parlera pas au naturaliste », regrette Antoine Nochy. Or le loup impose ça ! Il faut aller chercher des savoirs partout et mettre les éleveurs au centre du dispositif. » Il s’agira ensuite de proposer des mesures de suivi scientifique et d’éloignement des individus repérés afin d’éviter l’installation de meutes dans les zones de potentiels conflits avec l’élevage. Le bilan est attendu d’ici la fin de l’année.

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