Considérés comme des « tueurs d’abeilles », les néonicotinoïdes sont également en cause dans le déclin des oiseaux. Les données scientifiques s’accumulent. Interdits en France depuis le 1er septembre 2018, ils pourraient pourtant être à nouveau utilisés de manière dérogatoire pour lutter contre la jaunisse de la betterave. Les clés du débat

Les semences enrobées d’insecticides néonicotinoïdes tuent quarante-quatre fois plus d’oiseaux que les autres types de pesticides. Tel est le résultat accablant d’une étude, menée par des chercheurs de l’Université de l’Illinois, publiée le 10 août dernier dans la revue Nature Sustainability. Ses rédacteurs pointent par ailleurs l’existence d’un lien direct entre l’intensification de l’utilisation des néonicotinoïdes ces dernières années et le déclin des populations aviaires. Les oiseaux insectivores et les oiseaux des champs étant particulièrement concernés. Depuis les années 70, les États-Unis et le Canada ont perdu 29 % de leurs oiseaux.

Les oiseaux insectivores victimes collatérales

Il en va de même en France où 33% des oiseaux communs ont disparu entre 1989 et 2017. Et la situation est encore pire pour les oiseaux inféodés aux milieux agricoles comme l’alouette des champs qui a perdu la moitié de ces effectifs en 25 ans. Ce « déclin catastrophique » s’explique « en partie parce que les milieux refuges où ils nichent (prairies, arbres morts, murets…) se réduisent, et en partie parce qu’ils ont moins d’insectes à manger », explique Vincent Bretagnolle chercheur au Centre d’études biologiques de Chizé et directeur de la zone atelier « Plaine et val de Sèvre ». L’effondrement de la biomasse des insectes étant elle même liée à l’intensification des pratiques agricoles.

Les oiseaux granivores victimes directes des « néo nic »

Les chercheurs de l’Office national de chasse, de la forêt et de la faune sauvage (ONCFS) et de VetAgro Sup ont, de leur côté, récemment documenté l’existence d’intoxications directes d’oiseaux granivores après consommation de semences enrobées de néonicotinoïde. Perdrix grise, pigeon biset et ramier sont les principales espèces concernées. « Sur la période de 1995 à 2014, le réseau SAGIR a enregistré 101 foyers (totalisant au moins 734 animaux morts) pour lesquels une exposition à l’imidaclopride* a été avérée dans un contexte agricole. Pour 70% de ces foyers, un lien de causalité fort a pu être établi entre l’exposition à cette substance en tant que traitement de semences et la mortalité des animaux. »

L’imidaclopride fait partie des néonicotinoïdes interdits depuis le 1er septembre 2018… dont l’utilisation pourrait bientôt être à nouveau autorisée à titre dérogatoire (voir encadré ci-dessous).

Alexandrine Civard-Racinais

Néo quoi ?

Les néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides destinés à la protection des cultures et des élevages. Ils sont utilisés dans le monde entier.

Bientôt le retour des néonicotinoïdes ?

Le 5 août 2020, le gouvernement annonce son intention d’accorder des dérogations permettant d’utiliser des insecticides néonicotinoïdes en enrobage de semences pour la culture de la betterave sucrière. Ce, afin de lutter contre « le virus de la jaunisse transmis par les pucerons ». Dans une lettre ouverte adressée au ministre de l’Agriculture, le 18 août 2020, plusieurs ONG dont la LPO dénoncent un « recul important » et demandent au gouvernement de revenir sur sa décision. Une pétition est également en cours.

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