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On garde plus facilement le souvenir de moments forts émotionnellement. Alors en quoi les émotions et la mémoire sont-elles interdépendantes ?
Daniel Béracochéa, directeur de recherche CNRS à Bordeaux Neurocampus, décrypte pru Curieux l’influence du stress sur notre faculté à mémoriser ou… à occulter

 

« Nous sommes des êtres d’émotions plus que de raison, même si nous cherchons à les contrôler. Ces émotions permettent à l‘homme de s’adapter et de survivre au sens large. Par exemple, face à un danger, il va ressentir la peur et va ainsi fuir ou chercher à se protéger. Ce sont les émotions aussi qui permettent la mémorisation, tout aussi nécessaire à sa survie. Si on voit un serpent, notre première réaction sera la peur et la fuite ou le retrait. Mais si l’on voit ce serpent tous les jours et que l’on constate qu’il n’est pas dangereux, on s’en souvient et, de fait, on modifie notre réaction émotionnelle et nos comportements.

Émotions et mémoire sont intrinsèquement liées

Sur un plan physiologique, les émotions impactent effectivement la mémoire notamment par la libération de diverses hormones (glucocorticoïdes par exemple) où divers neurotransmetteurs (noradrénaline, dopamine, etc..) qui sont des facteurs de modulation de nos systèmes neuronaux. Ainsi l’hippocampe, qui interagit avec l’amygdale et l’hypothalamus, est une pièce clé de la mémoire et son activité est directement modulée par l’action de ces composés neurochimiques.

Ainsi, l’homme ne peut pas, ou difficilement, mémoriser s’il n’a pas une expérience émotionnelle associée à l’information ou au comportement à retenir ou sélectionner. Qu’elles soient positives ou négatives, les émotions sont le plus souvent le moteur de nos prises de décision et de notre mémoire.

Le bon et le mauvais stress

Plus que le type d’émotion, c’est surtout l’intensité de l’émotion ressentie qui aura un impact sur la mémoire, soit pour se souvenir, soit pour oublier. Par exemple, lorsque le stress est faible, il peut favoriser la mémorisation, il va nous permettre de nous adapter et même de performer (« eustres », ou bon stress).

Une anxiété modérée peut faciliter l’expression des souvenirs, comme dans le cas des acteurs par exemple. En revanche, un stress plus nocif (« distress » ou mauvais stress), intense et prolongé comme dans le cas du stress chronique (exposition continue à des facteurs d’agression) va fortement atténuer nos capacités d’attention, d’apprentissage et de mémoire.

Enfin, en cas de stress dépassé notamment dans le cas de stress post-traumatique, l’altération de la mémoire peut aller jusqu’à la perte de l’accessibilité à la conscience du souvenir traumatique, même si ce dernier peut continuer à exercer une influence non-consciente et conduire à un comportement pathologique.

Le rôle clé des glucocorticoïdes ou hormones du stress

Dans ces différents cas, des composés biochimiques sont à l’œuvre et agissent sur la mémoire. De façon classique, face à un stress intense, la réaction immédiate chez l’homme est une montée des catécholamines (adrénaline et dopamine notamment), suivie par la libération plus différée des hormones glucocorticoïdes (cortisol chez l’homme) qualifiées d’hormone du stress. C’est cette variation de notre taux de glucocorticoïdes qui va altérer le plus souvent la mémoire.

Les études que nous menons, au sein de l’Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine de l’Université de Bordeaux (INCIA, UMR CNRS 5287), ont ainsi démontré l’impact négatif sur le long-terme de cette montée de glucocorticoïdes dans des cas de modèle animal (souris) du sevrage alcoolique.

Ce modèle a ainsi permis de montrer que le sevrage, même progressif et contrôlé, provoque malgré tout, des déficits cognitifs notamment l’altération durable des capacités de mémorisation. Comme dans la plupart des troubles mnésiques, l’atteinte de la mémoire porte surtout sur la mémoire dite « déclarative », soit la mémoire dite flexible, la plus sensible et la plus fragile alors que la mémoire procédurale ou automatique est relativement préservée. »

Marianne Peyri

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