Cancers, troubles du système nerveux central, troubles cognitifs… Les conclusions de la mise à jour de l’expertise collective pesticides et santé de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) effraient : les données confirment voire renforcent le lien entre expositions aux pesticides et certaines maladies chroniques
La première version de l’expertise demandée à l’Inserm par la Direction générale de la santé (DGS) avait fait grand bruit lors de sa parution en 2013 : ses conclusions étaient accablantes pour les produits phytosanitaires.
La réactualisation réclamée par cinq directions générales ministérielles et dont le résumé et une synthèse ont été publiés fin juin 2021 est encore plus inquiétante. Après avoir analysé plus de 5300 documents de la littérature internationale, les experts de l’Inserm (dont Isabelle Baldi et Alain Monnereau, chercheurs à Bordeaux) ont confirmé voire renforcé la présomption d’un lien entre l’exposition aux pesticides (insecticides organochlorés, fongicides dithiocarbamates et autres glyphosate et fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase SDHi) et plusieurs pathologies.
Ainsi, la présomption d’un lien pour les lymphomes non hodgkiniens (LNH), le myélome multiple (un cancer de la moelle osseuse), le cancer de la prostate, la maladie de Parkinson, les troubles cognitifs, la bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique chez les personnes les plus exposées en milieu professionnel se confirme fortement. La présomption est moyenne pour la maladie d’Alzheimer, les troubles anxio-dépressifs, certains cancers (leucémies, vessie, rein, etc.), l’asthme et les pathologies thyroïdiennes.
Leucémies, tumeurs du système nerveux central et autisme, etc.
Les enfants ne sont pas épargnés comme le mentionne la synthèse de l’expertise : il existe « une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse (exposition professionnelle ou par utilisation domestique) ou chez l’enfant et le risque de certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central (NDLR : cerveau et moelle épinière) ».
Il est difficile de pointer des substances actives en particulier, mais certaines familles chimiques de pesticides sont impliquées, avec un niveau de présomption fort, notamment les insecticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes dont l’usage a augmenté en substitution aux insecticides organophosphorés (dont certains ont été interdits en 2006).
Fait nouveau comparé au rapport de 2013, les experts se sont penchés sur l’endométriose, maladie qui touche 5 à 10 % des femmes. Un grand nombre de pesticides pourraient augmenter le risque de développer cette maladie douloureuse et souvent invalidante.
Des études menées sur des riverains de terres agricoles suggèrent quant à elles un lien de présomption faible entre l’exposition aux substances pulvérisées et la maladie de Parkinson et les troubles du spectre autistique chez l’enfant.
Des pesticides interdits mais qui persistent longtemps
Parmi les 300 substances étudiées par les experts environ 40 % sont aujourd’hui proscrites. Mais plusieurs d’entre elles persistent dans l’environnement et la population y est toujours exposée. Exemple : le chlordécone , insecticide utilisé aux Antilles françaises jusqu’à 1993 (son interdiction) pour lutter contre les charançons qui ravagent les cultures de bananes, persiste pour des siècles dans les sols, rivières, masses d’eau souterraines et la mer.
La consommation des denrées alimentaires contaminées a entraîné une contamination de l’ensemble de la population. Or, « la présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone et la population générale et le risque de survenue de cancer de la prostate a été confirmée », indique le rapport.
Quant à l’herbicide glyphosate, le fameux tueur d’abeilles, l’expertise a conclu à « l’existence d’un risque accru de LNH avec une présomption moyenne de lien ». Il pourrait aussi provoquer des myélomes multiples et leucémies.
Bonne nouvelle toutefois dans l’actualité : la Cour administrative d’appel de Lyon (Rhône) a confirmé, le 29 juin, au nom du principe de précaution, l’annulation de l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, un herbicide à base de glyphosate. Un grand pas pour les humains et les abeilles.
Florence Heimburger
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