Close up of Afro American young woman holding skincare product while sitting at the table with laptop

A Limoges, Insilibio modélise l’action de molécules pharmaceutiques ou cosmétiques pour réduire les expérimentations sur les animaux. C’est sa bibliothèque d’environnements possibles qui la différencie d’autres entreprises du même secteur

C’est la part sombre de l’industrie cosmétique. Ou du moins, celle qui arrange bien la majorité qu’elle demeure dans le noir pour ne pas gâcher l’effet so pretty de cette crème hydratante. L’expérimentation sur les animaux est de plus en plus impopulaire et les marques qui peuvent se targuer de dire qu’elles n’y ont pas eu recours gagnent incontestablement une longueur éthique sur les autres.

C’est là qu’intervient l’entreprise Insilibio basée à Limoges avec ses modélisations bio-informatiques. Incidemment, elles permettent de gagner du temps et d’économiser de l’argent sur la durée des expérimentations. Alors si l’éthique devient économique… c’est tout bénéfice.

Cartes graphiques de type gamer

Mais derrière le nom ronflant de bio-informatique, il y a tout simplement des logiciels qui modélisent l’action des molécules étudiées dans toutes sortes d’environnements biologiques. Qui plus est, des logiciels libres développés par des universités américaines. « Mais on est aussi contributeurs » ajoute Maxime Jouaud, co-fondateur d’Insilibio, née en 2019 à partir de l’équipe du laboratoire 1248 de l’INSERM de Limoges.

La puissance de calcul elle-même est accessible à tous : foin de super-calculateurs hors de prix, « on utilise des cartes graphiques de type gamer, c’est pas si cher et c’est très performant. ». Ce qui différencie l’entreprise limougeaude, c’est sa bibliothèque d’environnements naturels parmi lesquels elle peut « projeter » informatiquement les molécules à étudier.

En gros, elle est capable de modéliser des tissus digestifs, de la cornée… tous les tissus avec lesquels la molécule étudiée peut se trouver en contact avec « une forte thématique sur la peau. Toutes ces membranes sont constituées de lipides dont la composition est connue. On les recrée informatiquement à partir des données de la littérature scientifique. ». Et pour ses clients, elle offre un rendu 3D « parce que les structures des molécules sont en 3D de toute manière. Et c’est plus clair, c’est une forme de vulgarisation scientifique».

Prudence avec la pharmacie

Reste qu’il est difficile quand même de se passer d’essais cliniques : « On ne peut travailler que sur ce qu’on imagine. Si l’on veut étudier une protéine en particulier, il faut qu’on la connaisse. Mais un extrait de plante contient des centaines de milliers de molécules. ». Le travail d’Insilibio est donc d’étudier élément par élément afin d’éliminer toutes les pistes infructueuses pour les entreprises qui la sollicitent. Il ne reste plus alors qu’à finaliser avec quelques essais cliniques sur les dernières molécules qui ont été retenues, au moins pour leur innocuité.

Pour l’instant, la spin-off limougeaude s’est spécialisée dans la cosmétique et l’industrie des compléments alimentaires. Pour la pharmacie, c’est un peu plus compliqué : « Il y a des contraintes réglementaires très rigides ». Le développement de vaccins pourrait y gagner en rapidité et c’est techniquement réalisable. Mais Insilibio n’a pas cherché à s’y lancer car « on n’est pas des virologues. ». Reste que sur son domaine de prédilection, le modèle informatique est efficace : « Jusqu’à présent, on ne s’est jamais trompés. »

Jean-Luc Eluard

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