L’intelligence artificielle fait partie des outils utilisés par les chercheurs pour évaluer l’évolution de la biodiversité marine et mieux la protéger. Illustration avec le projet FISH-PREDICT sélectionné dans le cadre du « Challenge IA-BIODIV »

Prédire la présence, voire l’abondance, a un endroit donné, des poissons marins côtiers grâce aux données satellitaires. Telle est l’ambition du projet FISH-PREDICT. Porté par un consortium français, ce projet combine des approches classiques de modélisation et des outils d’intelligence artificielle innovants. Car, sans être une solution miracle ,« l’IA nous aide à faire sauter des verrous méthodologiques et à traiter l’avalanche d’images et de données non-structurées à laquelle les chercheurs sont confrontés », estime David Mouillot, professeur à l’université de Montpellier et coordinateur du FISH-PREDICT.

Identifier et dénombrer les espèces

Le premier verrou méthodologique est lié aux énormes quantités d’images capturées par les caméras sous-marines sur les sites d’étude. Jusqu’à présent leur analyse était confiée à des étudiants ou des volontaires (im)mobilisés des journées entières devant des écrans. « Grâce aux outils de vision artificielle, l’identification et le dénombrement de poissons est désormais automatisé » ce qui permet d’aller beaucoup plus vite, sans perdre en précision. 

Localisation et identification de poissons automatisée par apprentissage profond. PHOTO MARBEC

Le second verrou est lié aux données massives issues du séquençage génétique d’échantillons d’eau de mer contenant de l’ADN environnemental ou ADNe, ces « petits brins d’ADN que les animaux laissent derrière eux ». Ces données de “génomique environnementale” apportent des renseignements sur les populations de poissons présentes autour du site de prélèvement sans limite de profondeur, ni de visibilité.

Savoir qui est passé par là…

Seul hic, le séquençage génétique d’un seul échantillon détecte environ un million de séquences d’une soixantaine de bases qu’il faut ensuite attribuer à une espèce précise ou replacer dans le grand arbre de la vie. Or « sur les 15 000 espèces de poissons marins connus, nous ne disposons de marqueurs génétiques que pour environ 3 000 d’entre elles ». Là encore, l’IA se révèle fort utile, car « les outils d’apprentissage profond permettent de créer des modèles capables d’identifier toute nouvelle séquence non étiquetée qui leur est soumise, soit en l’attribuant à une espèce précise, soit en la situant par rapport à des espèces proches. »

Prédire la présence d’espèces

Toutes ces informations sur la répartition des espèces de poissons côtiers vont maintenant être confrontées à des images satellitaires, enrichies de données environnementales. « C’est le coeur du projet FISH-PREDICT qui vise à produire des cartes prédisant la présence, voire l’abondance, en chaque lieu, de telle ou telle espèce de poisson marin côtier, par la seule interprétation des données satellitaires ».

Les travaux concerneront d’abord la Méditerranée, puis s’élargiront au Pacifique, d’ici 2024. A terme, l’équipe souhaite être en mesure de produire des informations sur l’évolution des populations de poissons côtiers, et de prévoir des déplacements d’espèces, voire leur risque de disparition… Ces informations précieuses permettront de faire des préconisations pour enrayer ce risque, comme restreindre ou interdire l’accès à certaines zones fréquentées par des populations en danger.

Alexandrine Civard-Racinais

* Le FISH-PREDICT est porté par un consortium français composé du Marine biodiversity exploitations and conservations, du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, du Laboratoire des sciences techniques de l’information, de la communication et de la connaissance, ainsi que du Laboratoire d’écologie alpine.

Le « Challence IA-Biodiv »

Comment développer des indicateurs plus performants pour prédire et évaluer l’évolution de la biodiversité marine sous contrainte du changement climatique et/ou des activités anthropiques ? Ce, en s’appuyant sur l’IA. Tels sont les défis que vont devoir relever les trois équipes sélectionnées pour le « Challenge IA-BIODIV ». Ce challenge scientifique, porté par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD), a commencé le 23 février 2022. Il se poursuivra jusqu’en 2026.

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