Ceux qui ont les moyens de manger bio, d’isoler leur maison, d’acheter une voiture électrique apparaissent souvent comme les plus écolos et vertueux. Quand pour les moins aisés, quotidienneté rime d’emblée avec sobriété. Qu’en est-il vraiment ? 

Remplir son panier de légumes bio, poser de super isolations et ou des panneaux photovoltaïques sur son toit, acheter des appareils moins énergivores, une voiture électrique, des vêtements « made in France » et en coton bio… Tous ces produits coûteux demandent de disposer d’un certain pouvoir d’achat. Les classes aisées sont-elles pour autant les bons élèves de l’écologie ?

Rien de moins sûr, selon une étude, réalisée en 2019 par le Credoc, au titre sans ambiguïté : Consommation durable : l’engagement de façade des classes supérieuresCelle-ci démontre qu’en France les plus aisés et diplômés, bien qu’ayant une plus forte sensibilité environnementale, consomment et polluent davantage que les autres classes sociales. 

L’empreinte écologique est d’autant plus importante que le niveau de revenu est élevé 

Signe de cette conscience environnementale, selon le Credoc, les riches recourent en effet de plus en plus à l’achat de produits bio ou labellisés durables, n’hésitent plus à prendre des produits d’occasion sur internet. Ils se convertissent parfois au covoiturage, réduisent leur consommation de viande, mettent aussi en place des solutions de production d’électricité verte, etc.

En revanche, ces gestes écologiquement vertueux ne compenseraient pas un usage toujours important d’équipements numériques et surtout des habitudes de déplacement en voiture et en avion, notamment pour des séjours touristiques. 

De fait, pour les moins aisés, quotidienneté rime d’emblée avec sobriété. Régler au minimum le chauffage, manger peu de viandes, prendre les transports en commun faute d’avoir une voiture et très peu voire jamais l’avion, acheter de vêtements d’occasion en bourse aux vêtements, bricoler ce qui est récupérable, pas de maisons secondaires à chauffer ou climatiser… Ils sont dans les faits beaucoup moins consommateurs et pollueurs, même si cette sobriété est bien souvent subie. 

10 % les plus riches responsables de 50% des émissions de CO₂

Dans un rapport plus précis et récent, datant de 2022, établi par l’École d’économie de Paris (PSE) et leur Lab de recherche sur les inégalités, on voit ainsi qu’en France les 10% de la population les plus aisés émet, par an et par individu, près de 25 tonnes de CO₂. Pour les plus modestes, ce taux avoisine les 5 tonnes, soit cinq fois moins.

Les moins aisés sont ainsi déjà dans les objectifs demandés à l’horizon 2030 de 5 tonnes par habitant. Les plus riches, eux, devraient réduire leur émission de 20 tonnes par an, par exemple en renonçant à certains déplacements. A titre de comparaison un voyage en avion Paris-New-York produit 1 tonne de CO₂ par passager. 

Ces disparités sont aussi flagrantes à l’échelle mondiale. Les 10% des plus aisés sont responsables de près de 50% de toutes les émissions de dioxyde de carbone, tandis que les 50 % inférieurs représentent 12 % du total. On trouve des gros pollueurs aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres, cependant les pays développés sont bien sûr plus émetteurs en CO₂.  A titre d’exemple, un individu habitant en Afrique subsaharienne émet 1,5 tonne par an contre 20 tonnes pour un Américain. Comble de l’injustice : nombre de pays peu développés et peu pollueurs sont pourtant aujourd’hui les premières victimes du réchauffement climatique. 

110 tonnes par individu et par an chez les 1% les plus riches 

Autre signe de ces inégalités flagrantes : alors que la quantité moyenne d’émission carbone par habitant et par an dans le monde est de 6,6 tonnes, les 1% les plus riches de la planète, eux, avoisinent par individu les 110 tonnes. Ce taux comprenant sa consommation personnelle mais aussi ses titres et actions dans des entreprises peu décarbonées. Selon le Rapport mondial sur l’inégalité, « la richesse extrême vient avec une pollution extrême. » 

Pour ses auteurs, notamment l’économiste Lucas Chancel, afin de lutter efficacement à l’avenir contre le réchauffement climatique, il faut cibler davantage les riches pollueurs. « Jusqu’à présent, les politiques climatiques telles que les taxes sur le carbone ont souvent eu un impact disproportionné sur les groupes à revenu faible et intermédiaire, tout en laissant les habitudes de consommation des groupes les plus riches inchangées. »

Marianne Peyri

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