La planète rouge est-elle réellement si silencieuse et calme ? On le croyait. Pour la première fois, des enregistrements d’un tourbillon de poussières démontrent que Mars a un environnement très actif

« On a entendu un tourbillon de poussières, un dust devil, un diable de poussières. Si on avait déjà identifié visuellement ces mouvements de turbulence, jamais nous n’avions eu de sons », se réjouit Franck Montmessin, au Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS), impliqué dans cette aventure. Ce directeur de recherche CNRS rappelle que Mars est ainsi la seule planète de l’Univers, outre la Terre, sur laquelle l’homme a réussi à recueillir des sons.

On doit cet exploit au Rover Persévérance de la NASA qui arpente la planète rouge depuis février 2021 et à un minuscule microphone de 3 centimètres de large, pesant à peine 13 grammes et lové dans le mât du robot. Conçu par les têtes chercheuses de ISAE-Supaero de Toulouse et du CNES, ce micro dénommé SuperCam fonctionne par un ingénieux système de tirs laser. « Les tirs vont buter contre un rocher dont on sait à quelle distance il se situe, ce qui permet de mesurer dès lors la vitesse de propagation du son », explique le chercheur du LATMOS. « C’est un instrument que l’on utilise de façon fréquente depuis 2021 et facile à piloter. »  

Une atmosphère très tenue qui favorise ces phénomènes de tourbillon 

Grâce à ces données acoustiques, couplées à de la prise d’images et des mesures atmosphériques, les chercheurs ont ainsi pu enregistrer et déterminer qu’il s’agissait d’un puissant tourbillon de 118 mètres de haut, 25 mètres de large, se mouvant à la vitesse de 19km/h, comme l’indique l’étude parue le 13 décembre dernier dans Nature communications« Cela démontre surtout que Mars a un environnement très actif, ce qui n’est pas étonnant. L’atmosphère martienne très ténue, avec une pression faible, réagit facilement à des apports de chaleur et engendre ce type de phénomènes de tourbillon de poussières », analyse Franck Montmessin, pour qui Mars, de ce point de vue, et sous certains aspects, s’approcherait d’un environnement terrestre. 

« On rencontre ces phénomènes sur terre dans les déserts, même si c’est avec des différences d’échelles », ajoute le chercheur. Grâce au microphone, l’homme va pouvoir disposer de données sur la nature et la taille de ces phénomènes atmosphériques et des conditions climatique sur Mars. « Ce qui est formidable, c’est aussi de voir que l’on peut facilement se servir des savoirs acquis sur notre planète, notamment les principes physiques, et les appliquer à une autre planète. »

Une planète où le son circule lentement et à deux vitesses différentes  

Cependant, la circulation des sons sur Mars présente une importante différence avec celle de la Terre. De premiers enregistrements du robot Persévérance, en février 2021, bien que particulièrement « calmes et silencieux », avaient identifié des vents émettant des sons entre 20 Hertz et 20 Kertz, donc audibles par l’être humain. Leurs études, publiées en avril 2022, révélaient un fait étonnant. 

Sur Mars, la vitesse du son est plus faible que sur la terre, de 240 mètres/seconde contre 340 mètres/seconde sur Terre. « De fait, les sons se propagent assez mal. Si l’on prend l’hypothèse de deux êtres humains à l’air libre sur Mars (ce qui est juste impensable, un scaphandre étant nécessaire), ces deux personnes ne s’entendraient pas à dix mètres » commente Franck Montmessin. La raison ? L’atmosphère de Mars est très chargée en CO₂ (1) et dispose d’une pression 170 fois plus faible que celle présente sur la terre. 

Autre spécificité et non des moindres : il existe sur Mars deux vitesses de son, l’une pour les aigus, dont les tonalités se perdent vite et l’autre pour les graves. Ainsi dans l’hypothèse, il est vrai assez improbable, d’un orchestre jouant sur Mars, le résultat du concert s’avérerait une cacophonie, avec un décalage entre les aigus et les graves. « Il y aurait un déphasage entre les basses et hautes fréquences, pas énorme, mais réel, une différence de 10 mètres par seconde. Il faudrait que les violonistes jouent un peu en décalé des contrebassistes », ajoute le chercheur du CNRS. Il se réjouit que cette discipline physique qu’est l’acoustique démontre qu’elle peut donner des mesures scientifiques très élaborées.    

A quand des sons titanesques ? 

L’homme n’a pour l’instant pas réussi à recueillir des sons d’une autre planète à part Mars. La Lune, satellite de la planète Terre, n’a pas d’atmosphère pour transporter le son qui est une onde de pression. Sans atmosphère, le son ne se propage pas ou alors à très basse fréquence et non audibles par l’homme.  De même sur des planètes glacées comme Vénus, on n’entend rien. En revanche, avec la sonde spatiale Dragonfly de la NASA, des perspectives de pouvoir recueillir, vers 2034, des sons sur Titan sont envisagées. Ce lointain satellite de Saturne bien que très froid (-180°C) détient une atmosphère composée à 80% d’azote et pourrait avoir une propagation du son proche de celle de la Terre… A Suivre !

Marianne Peyri

(1) L’atmosphère de Mars est composée à 96 % de CO₂ contre seulement 0,004% sur Terre.

  

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