Dans un contexte de changement climatique accéléré, l’une des mesures d’adaptation préconisées notamment par les experts du GIEC repose sur une diminution de la consommation de viande. Aussi certains sont-ils tentés de se reporter sur le poisson. Mais il y a une arête, car la pêche maritime n’est pas exempte de critiques

1- La viande : n°1 sur le podium de l’empreinte carbone

En termes d’émission de gaz à effet de serre (GES), la production de viande affiche une empreinte carbone très élevée. L’élevage de bœuf, en particulier lorsqu’il s’agit d’élevage intensif ou lorsqu’il est mené sur des terres déboisées comme c’est le cas en Amérique latine, occupe la première marche du podium.

Produire 1 kg de protéines sous forme de viande de bœuf émet en moyenne 99,5 d’équivalent CO2, loin devant les autres protéines animales, poisson d’élevage compris (1). Ce, sans compter les émissions de méthane (CH4) des ruminants, ou les autres impacts environnementaux de ce type de production : consommation d’eau, utilisation des terres et pollution de l’eau.

2- Pêche : certaines pratiques ont un impact sur le climat

Si l’aquaculture ou la pêche maritime sont loin d’être d’aussi grands contributeurs de GES, leur impact climatique n’est pas nul. Certaines pratiques, comme le chalutage de fond (2), suscitent même de nouvelles sources d’inquiétudes. Cette technique consiste à racler les fonds marins à l’aide de grands filets en forme d’entonnoir. 

Ce faisant, elle libère chaque année 0,6 à 1,5 gigatonnes de tonnes de CO2 jusqu’alors stockés dans les sédiments marins. Les auteurs de cette estimation inédite, publiée en mars 2021 dans la revue Nature, sont d’autant plus inquiets que « la perturbation de ces réserves en carbone […] est susceptible d’augmenter l’acidification des océans, de réduire la capacité d’absorption du CO2 par l’océan et de contribuer à son accumulation dans l’atmosphère. »

3- Surpêche et surexploitation, fléaux des océans

Didier Gascuel, enseignant-chercheur à Agrocampus Ouest et membre du Conseil scientifique d’Ifremer dénonce aussi le caractère non sélectif de cette technique. « Le chalut détruit par ailleurs (…) une partie de la faune et de la flore présente, la multitude des coquillages, crustacés, vers marins et organismes divers qui constituent la base des chaînes trophiques et une bonne partie de l’alimentation des poissons pêchés ».

Partout dans le monde, les espèces marines font l’objet d’une exploitation non soutenable. Dans son Rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques (2019), l’IPBES estime ainsi que 33% des stocks de poissons sont déjà surexploités. Parmi les espèces pêchés par la France, c’est le cas des populations du chinchard d’Atlantique et de la sole du golfe de Gascogne. D’autres, comme celles du merlu de Méditerranée, sont d’ores et déjà considérées comme « effondrées » par les experts de l’Ifremer.

« La pêche maritime (…) a vidé la mer d’une partie de ses ressources et perturbé en profondeur le fonctionnement des écosystèmes marins », constate Didier Gascuel qui veut croire qu’une « autre » pêche est possible. Et plaide pour une « pêchécologie », par analogie avec l’agroécologie. Une pêche réellement respectueuse des écosystèmes et de leurs habitants, qu’il est possible d’encourager par ses actes d’achat.

A lire : Pêcheécologie. Manifeste pour une pêche (vraiment) durable, par Didier Gascuel (Quae Editions, 2023). Un petit guide pour une consommation écoresponsable est proposé en fin d’ouvrage.

Comment (mieux) choisir son poisson

Acte 1. S’informer. Notamment en lisant l’enquête Pêchez les bons poissons, réalisée en 2021 par 60 millions de consommateurs en partenariat avec le WWF. Les 56 références de thons en boîte, colins panés, brandades et surimis sont associées à un score environnemental.

Acte 2. Choisir en connaissance de cause grâce au consoguide sur les produits de la mer élaboré par le WWF. Il s’appuie sur un code couleur basé sur les impacts des techniques de pêche, l’état des stocks de poissons et l’efficacité des mesures de gestion mises en place. 

Alexandrine Civard-Racinais

Avec le soutien du ministère de la Culture

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !