Les jeunes générations craignent de ne rien toucher quand elles seront à la retraite. Notre système de retraite est-il vraiment déficitaire et en péril au point de penser que l’on ne pourra pas bénéficier de la retraite ? 

D’un côté, le gouvernement l’affirme : notre système de retraite n’est pas viable tel quel ; on ne peut laisser aux générations futures une trop lourde facture. Il demande dès lors, à travers sa réforme, des efforts aux Français, notamment travailler plus longtemps pour réduire les dépenses. De l’autre, la population dont une majorité de personnes (68%) se montre hostile à cette réforme d’après un sondage de l’Ifop. Selon elle, notre système de retraite est bien loin d’être en péril. 

Pourquoi prendre de telles mesures aujourd’hui ? 

L’argument du gouvernement pour justifier cette réforme est l’arrivée massive en retraite des baby-boomers, soit la génération née pendant près de vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à l’époque même où notre système de retraite par répartition a vu jour. Celui-ci, basé sur une solidarité entre générations, se retrouve impacté depuis le milieu des années 2010 par cet afflux démographique de papy-boomers. Ainsi en France, dans les années à venir, le ratio entre le nombre d’actif et de retraités va diminuer, passant de 1,7 cotisant par retraité aujourd’hui à 1,4 d’ici 2050 et 1,2 en 2070, selon les chiffres gouvernementaux.

L’arrivée des papy-boomers déstabilise-t-elle vraiment le système ? 

Chargé de mener une étude complète sur les retraites, le Cor, Conseil de l’Orientation des Retraites (1), fait le même constat : la France vieillit. Certes mais, selon lui, les réformes des retraites menées en France ces dernières années, qui ont rallongé le temps de cotisation et l’âge légal de départ à la retraite, ont déjà atténué cet effet démographique. De plus, selon son président Pierre Louis Lebras, auditionné à l’Assemblée nationale le 19 janvier 2023, le montant des retraites est désormais indexé sur les prix et non sur les salaires depuis les années 1990. Or, généralement, le montant des salaires progresse plus vite que les prix.

Ainsi, selon les projections du Cor, le niveau de vie moyen des retraités rapporté à celui de la population active diminue, ce qui permet d’équilibrer les dépenses. En bref, certes, il y aura plus de bénéficiaires, mais ces derniers toucheront moins (relativement aux actifs). 

De ce fait, les dépenses liées au versement des pensions sont et resteraient stables. Grâce au rebond d’activité qui a suivi la période Covid-19, notre système de retraite a même été excédentaire de 900 millions d’euros en 2021 et de 3,3 milliards en 2022, avant de se dégrader indique ainsi le rapport du Cor. Ce dernier est d’ailleurs très affirmatif : les dépenses ne dérapent pas et même à plus long terme pourraient baisser.

Les ressources sont-elles à la hauteur des dépenses ? 

Pourquoi dès lors le gouvernement avance-t-il des chiffres de 12 milliards de déficit en 2027, 14 milliards en 2030 et 21 milliards en 2035 ? Pour le Cor, si les dépenses sont stables, en revanche, les ressources vont baisser. L’État s’est en effet fixé comme objectif de réduire sa dette publique et prévoit de réaliser des économies sur la masse salariale publique. La baisse du nombre de fonctionnaires comme la modification de leurs contributions seraient un manque à gagner pour le système de retraite et généreraient ce déficit. Ainsi si l’État maintenait son niveau de financement, le système serait à l’équilibre.

Pourquoi réformer le système de retraite est-il avant tout un choix politique ? 

Réformer les retraites aujourd’hui apparaît donc surtout comme un choix politique. Les projections de déficit à venir sont réelles, mais les montants restent relativement faibles. Le déficit annoncé de 150 milliards sur 10 ans du système de retraite est comparé par certains aux 150 milliards versés par le gouvernement uniquement en 2020 pour faire face à la crise sanitaire.

Autre comparaison, la taxe d’habitation, qui sera définitivement supprimée cette année, rapportait 20 milliards par an. L’État fait ainsi le choix assumé de supprimer des prélèvements, telle la taxe d’habitation ou de tabler sur des exonérations pour les entreprises (2), afin de favoriser le pouvoir d’achat, la compétitivité et l’emploi (avec plus de seniors au travail) et réduire la dette publique (3000 milliards). 

Pour les tenants d’une vision politique plus redistributive, moins libérale, la réforme des retraites se ferait au détriment d’une protection pour tous et d’autres solutions seraient possibles : maintenir les dépenses de l’État, relever les cotisations patronales, augmenter la CSG, lutter contre l’évasion fiscale, augmenter les droits de succession, etc.

En bref, dans 40 ans, les futurs retraités auront bel et bien une retraite mais en revanche leur niveau de vie sera sûrement moindre que celui des retraités d’aujourd’hui.

Marianne Peyri

(1) Organisme indépendant constitué de plus de 42 membres représentant divers organisme patronaux et salariés, de parlementaires, d’administration tels que le Trésor public. Ce rapport annuel est prescrit par loi et fait office de référence sur l’état des retraites en France.  

(2) Par exemple, dans son projet de loi des finances 2023, le gouvernement a voté la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, avec 4 milliards de baisse dès 2023.

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