A Bordeaux, Niamey, Winnipeg, Helsinki ou Singapour, les arbres plantés souffrent de l’élévation des températures et de la baisse des précipitations. Au point que leur survie est menacée. Mais il n’est pas trop tard pour les aider et faire les bons choix

Les arbres jouent un rôle primordial dans le bien être des citadins, notamment en période de forte chaleur. Mais pour combien de temps ? Car les arbres de nos villes souffrent eux-aussi des effets du changement climatique. Au point que la survie de la plupart des espèces que nous connaissons est menacée. C’est ce qui ressort d’une analyse mondiale du risque climatique (1), menée sur 3129 espèces d’arbres et d’arbustes présentes dans 164 villes et 78 pays. 

Chronique d’un dépérissement annoncé

En 2050, 70 % des espèces d’arbres et d’arbustes urbains seront en situation de risque lié à l’augmentation des températures moyennes annuelles dans au moins une des villes où ils sont présents aujourd’hui. Et 76 % d’entre elles seront affectées par la baisse des précipitations annuelles dans au moins une des villes où ils sont plantés. Plus inquiétant encore, « à l’heure actuelle, un grand nombre d’espèces sont déjà en dehors des clous », souligne Jonathan Lenoir, co-auteur de cette étude publiée en septembre 2022 dans la revue Nature Climate Change.

Aujourd’hui, 56 % des espèces d’arbres et 65 % des espèces d’arbustes dépassent déjà les conditions de températures et de précipitations qu’elles sont capables d’endurer dans leurs aires naturelles de répartition. « Nous ne nous attendions pas à des pourcentages aussi élevés », admet ce chercheur CNRS rattaché à l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens. Or, les stress hydrique et thermique accroissent la vulnérabilité des arbres face aux agents pathogènes responsables de leur dépérissement : bactéries, champignons ou insectes. 


Une allée du cimetière du Père Lachaise à Paris bordée de marronniers (Aesculus hippocastanum). En 2050, cette espèce sera à risque dans les villes de Paris, Lyon, Bordeaux et Montpellier. PHOTO DR : Akvile Jureviciute-Lenoir

Les arbres de Bordeaux menacés

Les résultats disponibles pour la ville de Bordeaux (2) ne sont pas plus réjouissants. « 54% des 289 espèces d’arbres plantés sont déjà confrontés à des conditions de températures qui excèdent ce qu’elles peuvent supporter », détaille Jonathan Lenoir. « Et 50% d’entre elles souffrent déjà de la baisse des précipitations annuelles ». En 2050, ces pourcentages s’élèveront respectivement à 73% et 66 %.

Dans la capitale girondine, le noyer noir ou l’amelanchier arborescent font partie des essences les plus à risques au regard de ces deux critères. L’amelanchier appartient d’ailleurs à l’une des trois familles de plantes ayant le plus grand nombre d’espèces en péril : les rosaceae. Heureusement, d’autres espèces affichent une insolente résilience. C’est le cas de l’érable trident ou de l’aliboufier.

Repenser la place de l’arbre dans la ville

Sachant que la France fait déjà face à des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, « les espèces identifiées comme étant à faible risque aujourd’hui et en 2050 peuvent représenter une ressource précieuse pour la création de forêts urbaines à l’épreuve du climat » soulignent les auteurs. Ce sont sur celles-là qu’il faut miser pour (re)végétaliser les villes et améliorer le confort des citadins. 

En ayant aussi à l’esprit le bien-être des arbres déjà plantés. « Pour que les arbres puissent jouer leur rôle de climatiseur, encore faut-il que leurs racines puissent pomper suffisamment d’eau, rappelle Jonathan Lenoir. Cela implique de repenser la manière dont on fait circuler l’eau de pluie afin de la laisser pénétrer dans les sols plutôt que de la canaliser vers l’extérieur. Il faut aussi repenser la place de l’arbre, le replacer au centre des villes et de nos vies. Chacun en tirera profit. » 

Alexandrine Civard-Racinais

Notes

  • (1) Sur la base du scénario climatique RCP 6.0, basé sur l’hypothèse que les émissions de gaz à effet de serre se stabilisent à un niveau moyen d’ici à la fin du siècle.
  • (2) L’étude dispose de données sur cinq villes françaises (Paris, Bordeaux, Montpellier, Grenoble, Lyon) et 506 espèces différentes, soit un total de 1254 observations. 

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