Les monuments historiques aussi ont la peau fragile mais, même s’ils le valent bien, les produits cosmétiques ne peuvent rien pour eux.

Pourtant, le noircissement de leur épiderme pose problème même si, pour Philippe Charron, directeur adjoint à la Direction de la conservation des monuments et des collections, cette attaque sur la pierre, ne pénétrant pas profondément, est moins inquiétante que la corrosion des éléments métalliques des vitraux, l’effritement de la statuaire ou l’effacement des polychromies.

Mais malgré tout, depuis un siècle, l’augmentation de la pollution produit des agressions qui changent de nature avec le temps. Finies les suies grasses dues aux feux de cheminées ou aux industries. On ne se chauffe plus au bois, et les industries salissent désormais plus les monuments chinois que les nôtres. La pollution due aux déplacements a changé le caractère des attaques, qui sont moins soufrées mais
provoquent des phénomènes chimiques plus complexes. Le calcaire en est l’une des principales victimes.
Cette pierre est tellement friable qu’on peut la rayer avec l’ongle lorsqu’elle est extraite. Au contact de l’air, un phénomène chimique d’interaction la durcit en surface : elle développe du calcin, un épiderme qui la protège. Sur des bâtiments anciens, la crasse se dépose sur le calcin et tout le problème du nettoyage est de l’enlever sans agresser cette peau.

Trois techniques sont nées ces trente dernières années. La plus utilisée est le micro-gommage, projection à basse pression de silice d’une très faible granulométrie. Rien à voir avec les appareils de type Kärcher : la pression est ici comprise entre 0,5 et 3 bars contre de 20 à 160 bars pour les appareils classiques. C’est surtout l’angle de projection qui permet, centimètre par centimètre, d’enlever la couche noire en épargnant le calcin au maximum.

Plus précis encore, le laser est employé essentiellement pour éviter un contact mécanique avec la statuaire et tout ce qui peut présenter des traces de polychromie à préserver. Ce rayon lumineux très concentré est absorbé par les salissures (sombres), et la pierre, plus claire, le réfléchit : l’interaction entre le rayonnement et la matière provoque une augmentation très brève et très violente de la température (plusieurs milliers de degrés) qui vaporise la croûte sombre mais ne touche pas la pierre elle-même. Enfin, mieux encore que le masque de concombre, des compresses de Latex peuvent être posées sur tout le bâtiment : l’élément actif de la compresse fait migrer la crasse dans le Latex et il suffit alors d’enlever la compresse pour que le monument retrouve son éclat. On sait donc comment récurer des cathédrales sans leur faire la peau.

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