La nouvelle loi des finances autorise l’utilisation d’huiles de friture usagées comme carburant pour certains véhicules. Une victoire pour l’association Roule ma frite 17, qui se bat sur ce dossier depuis plus de quinze ans. Quels changements pour les automobilistes ? Réponse de Grégory Gendre, fondateur et coordinateur de la structure

« En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées ! ». Ce slogan de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, a été prononcé dans un contexte de crise pétrolière (1973). Cinquante ans plus tard, la guerre en Ukraine remet la France devant son inconfortable dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger. Mais des idées continuent d’émerger : depuis 2007, l’association oléronaise Roule ma frite 17 (RMF17) collecte inlassablement des huiles de friture (tournesol et colza) usagées chez des restaurateurs partenaires dans l’espoir que les automobilistes puissent un jour les utiliser comme carburant. Aujourd’hui, 330 restaurateurs du bassin Marennes-Oléron, du Pays rochefortais et royannais sont partenaires et RMF17 collecte 90 000 litres d’huile par an.

Usage limité aux entreprises ou à des collectivités

Victoire : validée le 31 décembre 2022 par le Conseil constitutionnel, la loi de finances 2023 stipule que les huiles alimentaires usagées « peuvent être utilisées, pures ou en mélange, comme carburant pour les véhicules ». Grégory Gendre, fondateur et coordinateur de la structure se réjouit : « Notre premier dépôt d’amendement date de 2013. La victoire d’aujourd’hui récompense un travail de longue haleine. Maintenant, nous attendons la publication du décret. » Le feu vert doit être donné par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Anses).

L’amendement indique que « correctement décantés et filtrés, 10 litres d’huiles usagées peuvent donner 8 litres de carburant, utilisables en mélange jusqu’à 30 % dans les moteurs diesel mis en service avant les années 2000 et jusqu’à 100 % moyennant certaines adaptations. Ce carburant rejette jusqu’à 90 % de gaz à effet de serre en moins qu’un diesel classique et émet beaucoup moins de particules fines et coûte beaucoup moins cher qu’un carburant fossile. »

Grégory Gendre assure quant à lui qu’« utiliser l’huile de friture comme carburant réduit de 30 % l’émission d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), d’oxydes d’azote (NOx) et d’aldéhydes. »

Attention néanmoins : le Sénat a limité l’usage aux véhicules appartenant à des entreprises ou à des collectivités. Exit, pour l’heure, les particuliers, donc, ainsi que les agriculteurs. Aujourd’hui, l’huile collectée est transformée avant d’intégrer la filière des biocarburants : elle est incorporée aux gazoles, gazole non-routier (GNR) et fioul.

Des expérimentations ont toutefois été lancées depuis 2007 pour faire rouler en Charente-Maritime le P’tit Train de Saint-Trojan ou la navette sociale de Dolus d’Oléron, quand Grégogy Gendre était maire de la commune.

Les deux véhicules de RMF17 fonctionnent eux aussi à l’huile, même si la législation l’interdisait jusqu’à présent.

D’autres déchets collectés pour compostage et méthanisation…

« Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens d’aller au-delà de nos frontières charentaises. C’est pourquoi, nous passons le flambeau au groupe Picoty, entreprise familiale française créée en 1992, spécialiste de l’énergie et bien implantée dans l’ouest de la France : il donnera à notre initiative l’essor industriel qu’elle mérite. Picoty s’est aussi engagé à nous accompagner dans nos autres démarches de sensibilisation à l’économie circulaire », précise Grégory Gendre.

RMF 17 et les autres associations similaires de France (en Charente, à Perpignan, au Pays basque, à Charleville-Mézières…) souhaitent en effet collecter d’autres rebus de cuisine : les coquilles d’huîtres pour les valoriser ou les déchets « fermentescibles » (matière organique biodégradable) pour les composter ou les méthaniser. Le tout en circuit court, bas carbone. « Aujourd’hui, on a affaire à une nouvelle génération de restaurateurs, très engagée dans la lutte contre le dérèglement climatique. Le prix de la gestion des déchets a explosé, les technologies de recyclage se sont améliorées. Avec la redevance incitative et le tri à la source des biodéchets qui sera obligatoire à partir de janvier 2024, tous les feux sont au vert pour nos associations. » La route vers l’économie circulaire et le zéro déchet est un peu plus dégagée.

Florence Heimburger

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