Près de 3 enfants sur 4, âgés de 2 à 4 ans, subissent régulièrement des violences de la part de leurs parents. Mais les victimes de violences seront peut-être eux-mêmes amenées à devenir parents un jour. La répétition de schéma entre enfants maltraités et parents maltraitants est-elle inévitable ?

En 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité concernaient des violences commises au sein de la famille. Parmi ces plaintes, ce sont 160 000 victimes, dont 41 000 mineures, selon Santé publique France.

“Les parents maltraitants ont souvent été des enfants maltraités. Par contre, l’inverse n’est pas toujours vrai, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup d’enfants maltraités qui ne deviennent pas des parents maltraitants. Devenir un parent maltraitant, c’est répéter ce qu’on a soi-même vécu enfant” analyse Sarah Laporte-Daube, psychologue et auteure du livre « Après la maltraitance, se libérer des blessures de l’enfance. » 

Banalisation des violences éducatives ordinaires

Une tape sur la main, une fessée, un reproche humiliant… Ces gestes, anodins pour certains, représentent en fait déjà une forme de maltraitance. Selon le baromètre des violences éducatives ordinaires, mis en place par l’Ifop en partenariat avec la Fondation pour l’enfance, 79% des répondants déclarent avoir mis en œuvre au moins une violence éducative pour l’un de leurs enfants au cours de la semaine précédant l’enquête. Ces violences éducatives ordinaires sont pourtant légalement interdites en France depuis la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019.

Les violences éducatives ordinaires se transmettent de génération en génération. “Les parents pensent que ce n’est pas très grave, qu’eux-mêmes ont reçu une éducation violente, ou en tout cas avec des coups, des punitions. Ils minimisent les faits, en disant que ce n’est pas grave, qu’ils n’en sont pas morts… Sauf qu’il y a des enfants qui en meurent : 1 tous les 5 jours en France, tué par un de ses parents.” explique Nathalie Cougny, présidente et fondatrice de l’association « Les maltraitances, moi j’en parle ! »

Reproduction du schéma de violences

L’enfant maltraité devient le parent maltraitant par le biais de deux mécanismes : l’identification à l’agresseur et l’association à un traumatisme.

Dans le premier cas, l’enfant maltraité par l’un de ses parents s’identifie à son modèle parental, qui n’est autre que son agresseur. En grandissant, la victime va reproduire la seule chose qu’elle connaît en prenant exemple de son modèle d’identification : la violence.

Dans le deuxième cas, la violence va être la seule réponse possible pour faire face à la détresse émotionnelle associée au traumatisme. “Pour certaines personnes, la meilleure défense, c’est l’attaque” souligne la psychologue Sarah Laporte-Daube. “Quand la personne devient parent elle-même et qu’elle est face à un enfant, il va éveiller en elle sa vulnérabilité, son enfant intérieur. Et c’est là qu’il y a quelque chose d’insupportable qui se joue pour la personne face à cette vulnérabilité. Elle devient agressive et elle devient violente à son tour.”

La sensibilisation comme moyen de prévention

Pour mettre un terme à ce schéma de violence infini, la meilleure solution reste la sensibilisation des parents, mais aussi des enfants. La communication joue un rôle essentiel dans la construction de l’enfant.

Nathalie Cougny intervient dans les écoles et collèges pour sensibiliser les enfants (et aussi les parents), leur permettre d’identifier les violences, et de connaître les droits de l’enfant. “Les violences s’arrêtent quand on en prend conscience, et qu’on a les connaissances nécessaires, notamment sur l’impact négatif que ça a sur l’enfant, et les autres moyens qui existent pour élever un enfant sans violence.”

Nolwenn Le Deuc

Avec le soutien du Ministère de la Culture

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