Le sens de l’orientation est-il vraiment uniquement une affaire d’homme ? Il est convenu pour beaucoup que les femmes ne savent pas s’orienter. Anissa Dusmesnil, docteure en psychologie sociale, combat cette idée reçue en nous expliquant que cela vient d’un stéréotype de genre très tenace
Nulles en mathématiques, trop sensibles, aucun sens de l’orientation… 93% des Français estiment que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière dans au moins une des sphères de la société, selon le baromètre sexisme 2ème édition, réalisé par Viavoice pour le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Et la question du (non)sens de l’orientation des femmes revient sans cesse.
En 2015, une étude norvégienne fait les gros titres. Le sens de l’orientation aurait un rapport direct avec le taux de testostérone. Mais pour de nombreux scientifiques, cette hypothèse ne tient pas. Anissa Dusmesnil, docteure en psychologie sociale et autrice d’un article sur le stéréotype des femmes en orientation spatiale, partage cette deuxième opinion. “Il n’y a aucune prédisposition génétique à être moins bonne en orientation spatiale. Un stéréotype, c’est une croyance socialement partagée qui n’a pour autant aucune véracité établie.”
En réalité, pour comprendre ce déséquilibre entre les deux sexes, il faudrait plutôt regarder les impacts néfastes des stéréotypes sur les femmes, plutôt que de compter sur l’hormone principalement masculine.
Les stéréotypes, source de désorientation
Le problème du stéréotype, c’est qu’il conditionne le groupe visé à s’y conformer. “Si je vous dis que les femmes sont moins bonnes en math que les hommes, il n’y a aucune prédisposition à cela (lire l’article de Curieux). Néanmoins, à l’échelle de la société, ce qui va se passer, c’est qu’elles vont moins s’orienter que les hommes dans les filières de sciences dures, parce que justement, ce ne sont pas des compétences qui vont être mises en avant chez elles. C’est exactement le même processus avec le sens de l’orientation”, analyse Anissa Dusmesnil.
C’est ce que les scientifiques appellent “l’effet de menace.” La docteure en psychologie sociale explique ce phénomène. “Les gens vont se sentir menacés par le stéréotype dont leur groupe social d’appartenance est la cible. Cela va générer, par exemple, des pensées intrusives ou des émotions telles que la peur. Et quand on est dans un contexte d’évaluation, quel qu’il soit, ces émotions-là, comme la peur ou l’anxiété, ont un impact négatif sur le traitement cognitif des informations.”
Les stéréotypes, double-échec
L’appréhension de ces émotions négatives va créer une forme d’autocensure qui est indéniablement liée à la peur d’échouer.
“La peur ou les pensées interférentes vont avoir des effets sur leur mémoire de travail ou leur traitement de l’information. Leur attention ne va plus être à 100 % sur la tâche, mais partiellement, impactée sur les informations liées au stéréotype dont ils sont la cible, et à la peur d’échouer”, affirme Anissa Dusmenil, avant de poursuivre : “Si j’échoue, j’échoue pour moi, donc je vais avoir une mauvaise image de moi-même, et en plus, je confirme le stéréotype à l’égard de mon groupe d’appartenance. L’enjeu est double.”
Il n’existe pas encore de remède miracle face à “l’effet de menace” du stéréotype. Les solutions évoquées par la docteure en psychologie sociale sont : valoriser l’estime de soi avec une tâche et des compétences annexes, ou faire connaître ce phénomène à tous grâce à des interventions d’information. Malheureusement, aucune de ses solutions n’est valable sur du long terme.
Nolwenn Le Deuc
Avec le soutien du Ministère de la Culture
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