Pendant 40 jours, l’explorateur-chercheur Christian Clot et son équipe ont enduré des températures de 40°C en journée et 30°C la nuit. Comment est-ce possible ? Nous avons interrogé Christian Clot, tout juste rentré du désert du Nefoud (Arabie Saoudite), dernier volet de l’expédition Deep Climate, démarrée en décembre 2022

« Dans le désert du Nefoud nous avons été confrontés à des températures de 40°C pendant 40 jours. Ce sont des niveaux que nous pourrions connaître en France, à l’horizon 2050. La bonne nouvelle c’est que l’on peut s’y adapter. Mais cela à un coût physiologique et cognitif. 

Des conséquences physiologiques

Chef d’expédition de Deep Climate, Christian Clot est aussi fondateur et directeur général du Human Adaptation Institute. @BrunoMazodier 

Dans ces conditions extrêmes*, la température interne du corps humain augmente. Elle peut s’élever jusqu’à 40°C pendant un effort important. Revenir à une température interne de 36°C au repos, et de 37°C pendant un effort, demande beaucoup de travail au corps. Mais il finit par y arriver au bout de dix à quinze jours. C’est ce qu’il s’est passé pour moi et l’ensemble des équipiers. 

Avec un biais à souligner, nous étions tous en bonne santé physique et mentale. On sait qu’il est plus difficile pour les personnes âgées et les enfants d’assurer cette thermorégulation. Si la température extérieure augmente encore, si l’on passe par exemple de 40 à 45°C, le corps se retrouve dans la même problématique, avec le même besoin de réajuster sa température interne.

Un impact probable sur le fonctionnement cérébral

Les températures élevées ont aussi des conséquences cognitives. Schématiquement, plus on fait fonctionner son cerveau, plus l’activité des synapses augmente, et plus le cerveau chauffe. Or, comme tout système, le cerveau a besoin de se refroidir. Notre hypothèse est qu’il fonctionne alors en mode dégradé. Il met en veille certaines fonctions. Nous espérons que les données récoltées nous permettrons d’en savoir plus. 

On sait en revanche qu’il est plus difficile de prendre des décisions lorsqu’il fait très chaud. Nous avons aussi beaucoup de mal à juguler nos émotions ce qui peut nous pousser à des actes ou des paroles malheureuses. C’est potentiellement un problème pour nos sociétés humaines puisque le contrôle de nos émotions est une nécessité sociale.

Sous la houlette de Christian Clot, les Climatonautes ont parcouru 250 km à pied dans le désert du Nefoud, en tirant des chariots de 140 à 200 kilos. Des protocoles scientifiques ont été réalisés avant, pendant et après cette traversée pour comprendre les capacités humaines d’adaptation aux climats du futur. PHOTO Human Adaptation Institute / Lucas Santucci.

Au chevet de la plasticité cérébrale

Le cerveau est capable d’une certaine plasticité pour faire face aux changements, mais on connait encore mal ce processus d’adaptation et sa vitesse. Nous pensons que cette plasticité cérébrale est potentiellement plus rapide que l’adaptation physiologique, car on ne peut pas modifier de manière profonde la structure et le fonctionnement de notre cœur ou de notre intestin. De quelle manière ces évolutions cognitives se mettent elles en place ? Et comment mieux préparer notre cerveau aux changements à venir ? C’est l’une des questions à laquelle nous tentons d’obtenir des réponses au sein de Human Adaptation Institute grâce à Deep Climate. 

L’un des points sur lesquels nous avons une quasi certitude c’est que ce processus adaptatif est difficile à mettre en place sans accroche de plaisir, d’émerveillement à de petites choses qui nous font du bien : un oiseau, un coucher de soleil, etc. Quand on a cette qualité là, c’est plus facile de faire face aux changements. Aussi difficile que soit le chemin vers le futur, le plaisir fait partie des leviers d’action. »

Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais

Deep Climate en 3 chiffres

• 1 objectif : aider l’humain à mieux vivre demain, dans des climats en bouleversement. 

• 3 expéditions dans 3 milieux climatiques extrêmes, représentatifs de climats possibles dans un futur proche : chaud-humide en Guyane ; froid versatile en Laponie finlandaise ; chaud-sec dans le désert d’Arabie saoudite. 

• 20 climatonautes : 10 femmes et 10 hommes de 25 à 52 ans, ni professionnels ni spécialistes des conditions difficiles.  

Deep.climate.eu

A savoir : par conditions extrêmes*, il faut entendre « toutes situations face auxquelles un humain se sent en profonde ou totale désorientation, sans possibilité de stratégie d’adaptation connue ».

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