Forcément, vous l’avez déjà dit ou entendu : « Allez, on se fait une visio, ça évitera de se déplacer, c’est bon pour la planète ». En êtes-vous si sûrs ?
Il est évident que si vous renoncez à un Paris-New-York en avion, transport très émetteur de CO₂, et programmez à la place une visioconférence, c’est bon pour la planète. Selon une étude de Nature communication, utiliser la visio plutôt que se déplacer permettrait globalement de réduire l’impact carbone de 94%, même si tout dépend du nombre de personnes conviées à la réunion, de la distance que chacun aurait dû effectuer, du mode de transport qui aurait été choisi, etc.
Pour autant, depuis la pandémie de la Covid-19, l’usage des visios a explosé. Rappelez-vous, entre fin 2019 et avril 2020, nous sommes très nombreux à être passés à la visio. La plateforme Zoom annonce même avoir bondi de 10 millions à 300 millions d’utilisateurs quotidiens. Depuis, les plateformes se multiplient (Microsoft Teams, Skype, Google Meet, Cisco Webex, etc.) et la visio est entrée dans les pratiques des salariés notamment du tertiaire, portée par la montée en puissance du télétravail.
On finit par en oublier que le numérique n’est pas si virtuel que ça. Il nécessite de fabriquer des équipements avec des terres rares, des matériaux, et de gérer leur transport. Sans compter que le numérique consomme de l’électricité, de l’eau pour refroidir les centres informatiques de stockage de données, génère du recyclage. Ainsi l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, évalue que le numérique est responsable à hauteur de 2,5% de l’empreinte carbone de la France en 2022 et de 4% au niveau mondial.
De 150 grammes à 1 kilo équivalent CO₂ par heure de visio
C’est surtout la phase de fabrication des équipements qui pèse pour les deux tiers de cette facture carbone, suivie par les usages pour le tiers restant. Concernant la visio, qui n’est qu’un des usages parmi d’autres du numérique, de nombreuses études ont surtout porté sur l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre, en calculant un équivalent en CO₂ émis. Les résultats sont divers selon les critères tels que le nombre d’utilisateurs, le type d’application utilisé, le support smartphone ou ordinateur, la qualité de la bande passante, etc.
Ainsi, une récente étude américaine de l’Université de Purdue estime qu’une heure de visio pouvait représenter l’équivalent de 150 grammes à 1 kilogramme de CO₂ émis. Une étude française, de Renater et Ecoinfo, menée par des chercheurs du CNRS et du Centre de recherche Interdisciplinaire et publiée en mars 2022, s’est attachée à calculer cette empreinte carbone à partir d’un cas précis. Deux utilisateurs, l’un situé à Paris et l’autre à Grenoble, tous deux avec une caméra active et pour une durée d’1 heure. Résultat : la visio a généré, selon leur calcul, 226 grammes d’équivalent CO₂ qui correspond « à un trajet de 9 kilomètres en trottinette électrique ou 20 km en vélo électrique ou 52 heures d’éclairage pour une ampoule de 40 Watt ». Pour avoir une idée, si une des personnes s’était rendue en train de Grenoble à Paris, son bilan carbone aurait été de 1,2 kilo équivalent CO₂.
Ou autre exemple, si on effectue un trajet quotidien de 20 kilomètres aller-retour pour se rendre au travail en voiture essence, l’émission sera environ de 8 kilo d’équivalent CO₂. L’impact visio est donc bien en deçà. Mais tout n’est pas si simple.
La visio génère indirectement de nouveaux comportements
L’Ademe, dans une « Étude sur la caractérisation des effets rebond induits par le télétravail », datant de 2020, a démontré que le gain environnemental du numérique serait atténué par de nouveaux comportements.
Certains salariés, grâce au télétravail et à des outils tels que la visio, déménagent parfois dans des lieux de vie plus éloignés, moins chers et plus qualitatifs, ce qui les conduit à effectuer des trajets plus longs les jours de présence au bureau.
Autre phénomène notable : grâce au télétravail beaucoup de salariés partent davantage dans leur résidence secondaire ou visiter leur famille partout en France. Ces déplacements, qui n’existaient pas auparavant, atténuent l’effet vertueux de la visio. On note aussi, que même en télétravail, certains salariés continuent d’effectuer des trajets quotidiens pour aller déposer les enfants à l’école, aller à La Poste, faire des courses. Tous ces facteurs réduiraient en moyenne, selon l’Ademe, de 31% les bénéfices environnementaux du télétravail.
L’empreinte carbone du numérique pourrait tripler d’ici 2050
A l’avenir, une intensification de l’usage de la visio pourrait ainsi avoir un impact écologique significatif. Dans un récent rapport prospectif, l’Ademe-Arcep estime que l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050. Les adeptes de la visio en ont cependant de plus en plus conscience. Nombreux sont ceux désormais qui stoppent la caméra. En effet, la consommation électrique est multipliée par trois avec la caméra activée. Sans caméra, l’impact carbone de la visio est alors réduit de 34%.
Marianne Peyri
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