Le sommeil n’est pas un état qui nous isole hermétiquement de notre environnement. Une étude, menée par les chercheurs de l’Institut du cerveau révèle que nous sommes capables d’entendre et de comprendre des mots pendant notre sommeil. Et même d’y répondre !

Le sommeil est généralement défini comme une période durant laquelle le corps et l’esprit sont en repos, comme déconnectés du monde. Pourtant, une nouvelle étude encadrée par Delphine Oudiette (Inserm), Isabelle Arnulf (Sorbonne Université, AP-HP) et Lionel Naccache (Sorbonne Université, AP-HP) au sein de l’Institut du cerveau, indique que la frontière entre veille et sommeil est bien plus poreuse qu’il n’y paraît.

Des fenêtres sur le monde extérieur chez tous les dormeurs

Les résultats de leurs recherches menées au sein de l’Institut du cerveau ont montré que des dormeurs sans troubles particuliers sont capables de capter des informations verbales transmises par une voix humaine, et d’y répondre par des contractions des muscles du visage selon un code préétabli. Cette capacité étonnante se manifeste de manière intermittente durant presque tous les stades du sommeil. Un peu comme si des fenêtres de connexion avec le monde extérieur s’ouvraient à ces moments-là.

Jusqu’à présent cette capacité avait seulement été mise en évidence lors d’épisodes de rêves lucides, c’est-à-dire des rêves dont les dormeurs sont conscients et dont ils peuvent parfois influer le scénario. En 2021, une première étude publiée dans Current Biology avait montré qu’une communication à double-sens, de l’expérimentateur vers le rêveur et vice-versa, était possible au cours de ces rêves lucides chez des patients atteints de narcolepsie, maladie caractérisée par des épisodes d’endormissement irrépressible.

« La veille et le sommeil ne sont pas des états stables« 

Cette fois, l’étude a été menée sur deux groupes de participants : un groupe de narcoleptiques et un groupe de volontaires sains. « Les résultats sont surprenants, car nous nous attendions à ce que ces moments de connectivité soient uniquement retrouvés chez les rêveurs lucides. Or, ils se manifestent dans les deux groupes de participants et dans pratiquement tous les stades du sommeil », s’enthousiasme Başak Türker, post-doctorante en neurosciences et première rédactrice de l’article scientifique publié dans la revue Nature Neuroscience.

Surprenants, « ces résultats sont aussi très excitants ! »  Cette découverte remet ainsi en question l’idée selon laquelle nous sommes complètement coupés du monde lors du sommeil, incapables de recevoir ou d’envoyer des informations à notre environnement. « Nos recherches nous ont appris que la veille et le sommeil ne sont pas des états stables : ils s’apparentent l’un et l’autre à une mosaïque de moments conscients… et de moments qui ne semblent pas l’être », indique le professeur Lionel Naccache, neurologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et chercheur en neurosciences dans un communiqué.

Vers une possible révision de la définition du sommeil

« Ces nouvelles données viennent enrichir la définition du sommeil qui ne prend pas en compte la richesse de nos états et de nos ressentis », souligne pour sa part Başak Türker. Avec, à la clé, une possible révision de cette définition. 

En démontrant l’existence de fenêtres de réactivité comportementale à travers la plupart des stades du sommeil, cette étude fournit également un nouvel outil pour percer le mystère de ce qui se passe dans l’esprit des dormeurs et ouvrir la porte du monde fascinant des rêves.

Alexandrine Civard-Racinais

Infographie illustrant les différents stades du sommeil et de l’éveil enregistrés sur un volontaire, par électroencéphalogramme, pendant la nuit. ILLUSTRATION Inserm/Pinci Alexandra

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